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Comment vivre avec l’Islam ?

By 10 février 2008septembre 7th, 2022No Comments
Vivre avec l'Islam

Comment vivre avec l’Islam ? Alors qu’une polémique s’engage en Angleterre suite aux déclarations de l’archevêque de Canterburry sur la charia, il me semble opportun de publier aujourd’hui le compte rendu d’une conférence organisée sur ce sujet par le Club des Vigilants le 09 octobre 2002. Ce compte rendu informel, rédigé par Jérôme Bondu, n’engage que son auteur.

Comment vivre avec l’Islam et comment l’Islam peut vivre avec la modernité ? Une conférence animée par Mohammed Arkoun.

Résumé de l’intervention : comment vivre avec l’Islam ?

M. Arkoun a insisté sur la nécessité de créer des espaces d’expressions, intellectuels et scientifiques, pour les musulmans de France. Car la France pourrait être un des lieux où l’Islam, pourrait se libérer des déviances que l’on connaît actuellement.
Cela devrait s’accompagner d’un effort d’enseignement. A titre d’exemple, M.Arkoun prêche pour la mise en place d’un tronc commun éducatif au sein de l’espace méditerranéen.

Présentation de l’Intervenant

Né à Taourit-Mimoun en Algérie, Mohammed Arkoun a été, de 1961 à 1991, professeur en Histoire de la pensée islamique à la Sorbonne. Visiting Professor dans de nombreuses universités en Amérique du Nord, en Europe, au Moyen Orient ou encore en Asie et en Afrique, il est, depuis 1980, directeur scientifique de ARABICA : revue d’études arabes et islamiques. Membre, depuis 1993, du Board of Governors à l’Institute of Ismaelî Studies à Londres, Mohammed Arkoun devient, en 2000, conseiller scientifique pour les études islamiques à la Library of Congress, Washington DC.

Officier de la Légion d’honneur et officier des Palmes académiques, Mohammed Arkoun est un homme de réflexion qui n’a cessé d’ausculter, de manière critique, la pensée arabe et islamique. Auteur de nombreux ouvrages dont La Pensée arabe (1975), Pour une critique de la Raison islamique ( 1984) Religion et laïcité: Une approche laïque de l’islam (1989) ou plus récemment Combats pour l’Humanisme en contextes islamiques (2002), traduit dans de nombreuses langues, Mohammed Arkoun plaide pour un islam débarrassé de ses scories rétrogrades et plus en phase avec la modernité.

Introduction

M.Arkounn rappelle en introduction de son allocution que l’islam est une « force » mal connue.

  • Force, d’abord, par le nombre de fidèles (environ 1,2 milliard ? à peu près le nombre de chrétiens). Près de 40 États se réclament de l’islam.
  • Force méconnue, ensuite, car on la place essentiellement dans le monde arabe. Alors que les 10 premiers États musulmans au monde (par la population) sont non-arabes (Indonésie, Pakistan, Inde, Bangladesh…).

Comment vivre avec l’Islam ?

M.Arkoun commence ce sujet sensible avec beaucoup d’humour, en disant que cette question « Comment vivre avec l’islam » ne viendrait jamais à l’esprit d’un musulman ! Au contraire, il se demanderait plutôt comment pouvoir vivre sans l’islam !
Plus sérieusement, continue notre intervenant, cette question ne touche plus seulement les Occidentaux chrétiens, mais aussi ; depuis quelques temps, les musulmans eux-mêmes. Car en effet, un des visages actuels de l’islam apparaît opposé à toute modernité. Quelles ont sont les origines ?

L’alphabétisation qui a été menée dans un certain nombre de pays musulmans en voie de développement a conduit contre toute attente à une réduction de l’élite « pensante et ouverte », et au contraire à l’élargissement de la base sociale prête à recevoir « l’islam dévoyé ».
Parallèlement « l’islam positif » qui a fournit pendant des générations les cadres de ces sociétés, a été écarté. Cet « islam positif » n’est jamais mentionné dans les médias. L’islam est souvent présenté sous son plus mauvais jour, à l’image des interventions de Bernard Lewis, que M. Arkoun appelle avec humour (et amitié) « le grand mufti de l’Occident ».

Il est donc tout à fait possible de vivre avec l’islam, pourvu que cet islam soit le système positif qui a fourni et fourni encore la structure sociale des pays dans lequel il s’est implanté, et non la déviance qui sévit actuellement.

Comment « l’Islam » peut vivre avec la modernité ?

M. Arkoun insiste sur la nécessité qu’il y ait une critique du Coran. Et en tant qu’historien de la Sorbonne, il entend ouvrir le chantier de la « critique de la raison islamique ».

Mais parallèlement, il appelle de ses vœux un effort similaire de la part des autres religions, du moins des religions monothéistes (christianisme et judaïsme) afin de réaliser une « anthropologie du fait religieux ». De même, il appelle à une réflexion sur le concept de « modernité » (M. Arkoun entend ici « modernité intellectuelle », à ne pas confondre avec la « modernisation »).
Car en effet, mener une démarche critique de l’Islam, isolée du contexte religieux, économique, politique et social global actuel n’aurait pas de sens. C’est un effort de réflexion globale qu’il faut mener.

C’est un travail qui peut venir de l’Europe. L’Europe est méditerranéenne, et doit intégrer cette dimension (et donc la dimension de l’islam) dans son développement futur. M. Arkoun rappelle que l’islam comme le christianisme s’est construit autour de la Méditerranée et avec la pensée grecque.

Conclusion sur vivre avec l’Islam

Pour finir, notre intervenant évoque quelques chantiers prioritaires à mettre en œuvre :

  • En premier lieu, celui de répondre aux besoins d’expression des musulmans français, intellectuels et scientifiques. Ces derniers pourraient apporter une autre vision de l’islam que celle diffusée classiquement et qui colporte une vision d’affrontement inéluctable.
  • Ensuite, celui de créer un centre qui pourrait mettre en œuvre la « critique de la raison islamique » évoqué plus haut. Un institut a été créé sous l’égide de M. Arkoun, rattaché à l’Institut des Hautes Études en Sciences Sociales.
  • Enfin, M. Arkoun appelle de ses vœux la création d’un tronc commun éducatif autour de la Méditerranée.

L’islam est aujourd’hui surtout présent dans des pays qui ont pour caractéristiques communes, une politique dynastique (où le pouvoir des hommes est supérieur au pouvoir de la loi), et d’être en sous développement. Peut être est-ce l’islam d’Occident, et plus particulièrement d’Europe, qui pourra apporter la vision critique de l’islam. Et ainsi contribuer à retrouver, conclue M. Arkoun avec optimisme, la « pax romana » autour de la « mare nostrum ».

Jérôme Bondu

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