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GéopolitiqueNon classé

À lire : L’emprise – la France sous influence, de Marc Endeweld 3/3

By 3 octobre 2022No Comments
La france sous influence de Marc Endeweld

Voici la troisième et dernière partie de ma note de lecture de « L’emprise – la France sous influence », de Marc Endeweld, édité au Seuil. Lire la première et seconde partie. Je précise comme à chaque fois, que cette note de lecture n’est ni résumé ni une synthèse. J’ai essayé de reprendre fidèlement quelques éléments du livre. Les phrases entre guillemets sont de l’auteur et n’engagent que lui. L’image provient de l’interview de Marc Endeweld sur ThinkerView.

Partie IV – La Chine à l’offensive

Chapitre 12 – Tout commence à Taïwan.

Marc Endeweld rappelle l’affaire de la vente des frégates à Taïwan. Et il explique que si la Chine a laissé faire, c’est parce qu’elle savait qu’il y avait de la corruption, et qu’elle pourrait ensuite faire chanter les politiques qui avaient trempé dedans. « On s’est retrouvé dans la main des Chinois ».

Chapitre 13 – Huawei occupe la ligne.

Sur l’affaire Huawei, Marc Endeweld résume la position américaine : « Bref, les Américains veulent empêcher les Chinois de procéder exactement de la même manière que leur puissante NSA ». Il rappelle au passage la perte de compétitivité française « Il faut se rappeler qu’Alcatel, dans les années 1990, avait 56% du marché mondial des réseaux. On avait un leader, on se retrouve avec un nain ». Il dénonce encore Serge Tchuruk qui a engagé la scission entre Alstom et Alcatel et la dynamique fabless. Et tacle au passage Didier Lombard et Thierry Breton qui ont, à l’époque, validé cette stratégie. Puis vient la fusion Alcatel Lucent. Puis une amende de 137 millions de dollars et un monitoring américain (on commence à avoir l’habitude). Puis la cession de sa division entreprise à des Chinois. Puis rachat par Nokia. Au final le jugement est amer « les équipementiers européens ont donc tout perdu.

L’Europe et la France sous influence

Le livre « La France sous influence » met les points sur les i :  « L’Europe et la France sont devenues des vassaux soit des États-Unis, soit de la Chine ! ». « Cet épilogue mortifère met fin à une grande histoire technique et scientifique ». Marc, peu avare de mise en perspective historique rappelle que c’est dans les usines bretonnes d’Alcatel que « furent inventés les premiers commutateurs téléphoniques numériques, permettant bientôt les réseaux digitaux, mais aussi la fibre optique, les premiers téléphones mobiles, les télécommunications satellites ou encore les écrans plasma ou à cristaux liquides. Ces milliers de brevets seront ensuite appropriés par Lucent et des entreprises chinoises. Ce scandale industriel est d’abord le résultat de l’inconséquence et de l’incompétence d’un haut management français issu d’une technostructure pantouflarde, qui s’improvise dirigeante d’entreprise sans aucune vision technologique ni stratégique ». Entre 2000 et 2016, ce sont un million d’emplois industriels nets supprimés. Glaçant …
Il cite en fin de chapitre Guillaume Pitron dont j’ai fait une note de lecture (la guerre des métaux rares) et le potentiel de ST Microelectronics.

Chapitre 14 – Les mystères de Wuhan

Marc Endewled détaille la construction du laboratoire P4 et du rôle de la France. Selon lui les Chinois ont dupliqué le laboratoire « afin de pouvoir utiliser la technologie pour des expériences de type militaire (…) la Chine aurait tenté ces dernières années de prendre le contrôle de l’Institut Pasteur ». L’auteur analyse l’hypothèse de la fuite.

Chapitre 15 – Convoitises nucléaires

Dans ce chapitre Marc Endeweld explique qu’EDF s’est transformé en champ de bataille. « Le modèle d’EDF ne peut fonctionner qu’en préservant son caractère intégré de la production à la commercialisation de l’électricité ». Or « l’Allemagne a intérêt à attaquer EDF, notamment via l’Union européenne, pour diminuer la compétitivité française qui bénéficiait jusqu’alors de tarifs d’électricité avantageux ». (Lire ma note de lecture sur la BD de Jancovici)
Marc Endeweld dénonce aussi la perte de connaissance de la filière nucléaire. La France a beaucoup appris aux Chinois, et est maintenant en position de faiblesse. L’auteur présente en détail les sous-parties de cette histoire complexe. Par exemple le Projet Hinkley Point, porté par les Français et les Chinois, qui permettra à ces derniers d’obtenir un élément essentiel pour la commercialisation de leur réacteur : la certification par l’autorité de sûreté britannique et donc l’accès au marché international.

Partie V – Guerres de l’ombre de la France sous influence

Chapitre 16 – La tentation israélienne

Marc Endeweld souligne l’éloignement entre les États-Unis et Israël. Face à la Chine, les Américains se désengagent du Moyen-Orient du point de vue sécuritaire. Et s’intéressent à nouveau à trois pays : Turquie, Iran et Pakistan. « En pariant de nouveau sur un axe Ankara-Téhéran-Karachi, Washington tente d’utiliser ces pays comme pivot contre les grandes puissances eurasiatiques que sont la Russie et surtout la Chine ». L’auteur souligne ensuite le renforcement des liens entre Israël et la Chine, notamment au niveau technologique, ce qui irrite fortement les Américains.

Chapitre 17 – La grande famille de l’eau

La saga de Véolia et Suez est un chapitre intéressant, mais particulièrement compliqué. J’ai néanmoins repéré les citations de plusieurs acteurs de l’intelligence économique, Hervé Séveno, mais aussi Axis & Co et Avisa Partners. Dans un autre registre, l’auteur cite la société de relation publique Reputation Squad.

Chapitre 18 – Bolloré, la retraite d’Afrique

Ce dernier chapitre de « la France sous influence » est tout aussi riche en acteurs, entreprises et influence. On y retrouve Alexis Kohler et MSC, la gestion des ports, endroits hautement stratégiques d’atterrages des câbles sous-marins, mais aussi d’acheminement des équipements pour les armés. Le tableau est encore une fois très sombre : « La France n’a plus les moyens de ses ambitions sur le continent. Mais c’est d’abord de sa faute et de celle de ses réseaux parisiens aveuglés par leurs appétits de pouvoir. » Le message est clair.

Épilogue – À la périphérie du monde

Marc Endeweld avait commencé l’ouvrage en rappelant que nous assistons à une nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine. Il complète sa vision du monde, en rappelant que Trump en juillet 2018 avait déclaré à la chaine CBS que « l’Union européenne est un ennemi ». En effet, la grande différence avec la guerre froide contre l’URSS est qu’alors les États-Unis avaient besoin d’une Europe forte pour faire bloc. Aujourd’hui dans cette nouvelle guerre froide contre la Chine, une Europe forte est plus un frein qu’un atout.
En Europe, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. « Les Allemands ont une stratégie idéale pour leurs intérêts. Ils font une alliance stratégique avec les États-Unis, une alliance économique avec la Chine, et une alliance énergétique avec la Russie ».
En France, les deux écoles s’affrontent : les gaullo-mitterrandistes et tenant du bloc occidental. Mais quoi qu’il en soit, « dans cette bagarre mondiale, la France s’est peu à peu désarmée sur le plan industriel ». « L’état d’urgence mondial exige, plus que jamais, une vision, une stratégie et la volonté de renverser la table ».

Critique de La France sous influence

Excellent livre, beaucoup mieux écrit et structuré que Crépuscule de Juan Branco.
L’ensemble ne porte pas à l’optimisme. Mais quand on est malade, il faut bien un thermomètre pour connaître sa température. C’est le rôle qu’à voulu jouer Marc Endeweld. Que l’on soit d’accord ou non avec ses constats, avec ses critiques et mises en accusation, c’est un ouvrage passionnant à lire. L’ouvrage est documenté. Il cite de nombreuses sources, dont un certain nombre dans le domaine de l’intelligence économique (notamment Alain Juillet)

Jérôme Bondu

Source image : Interview de Marc Endeweld sur ThinkerView.

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