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Géopolitique

À lire : Après l’empire – décomposition du système américain

By 28 mai 2024No Comments
décomposition du système américain

On parle beaucoup d’Emmanuel Todd avec la sortie de son dernier livre « La défaite de l’Occident ». Je l’ai lu. Mais avant, j’ai dévoré « Après l’empire – essai sur la décomposition du système américain » du même auteur. J’ai eu en main la version de 2002 (attention il existe une réédition de 2023).

Décomposition du système américain

Emmanuel Todd est un personnage aussi bien encensé que critiqué. Il s’est fait connaitre pour avoir prévu en 1976 dans « La chute finale » la décomposition de la sphère soviétique. On peut voir « Après l’empire » comme l’analyse en miroir de l’ouvrage de 1976 avec une description de la décomposition du système américain.

Démographie et systèmes éducatifs

Dans les grandes lignes :
– Emmanuel Todd se base sur l’analyse de la démographie et des systèmes éducatifs pour annoncer que le monde tend vers une forme de stabilité. Dans ce cadre, le monde ne connaitra plus de menaces globales, et n’a donc plus besoin d’une Amérique protectrice des libertés.
– Il retourne même l’image des États-Unis et avance que cette unique super puissance devient une menace pour le monde, que de protectrice, elle devient prédatrice. Elle consomme les produits de la planète comme le fait toute structure centrale d’un empire. Et chaque mouvement pour affermir sa domination sur le reste du monde « engendre des rétroactions négatives qui affaiblissent un peu plus sa posture stratégique ». Il parle d’une Amérique « narcissique, agitée et agressive ». « Cette inutilité de l’Amérique est l’une des deux angoisses fondamentales de Washington ». « Comment gérer une superpuissance économiquement dépendante, mais politiquement inutile ? »

Maintenir leur emprise sur l’Europe et le Japon

– Si les États-Unis veulent conserver leur hégémonie, il leur faut remplir deux conditions : maintenir leur emprise sur l’Europe et le Japon. Et battre définitivement la puissance russe.
– Le risque pour les États-Unis est de voir un rapprochement stratégique « entre une puissance nucléaire majeure, la Russie, et les deux puissances industrielles dominantes que sont l’Europe et le Japon ».
– Le contrôle états-unien actuel sur le monde, transforme le peuple américain « en une plèbe impériale, nourrie en biens industriels de la planète entière ».
– Notre rôle est double : d’abord voir le monde tel qu’il est et échapper à « l’emprise de l’idéologie, de l’illusion de l‘instant, à la fausse alerte permanente (comme disait Nietzsche) entretenue par les médias ». Ensuite, participer à « l’émergence d’une superstructure politique raisonnable en évitant au maximum les affrontements violents ». Dans ce cadre, il propose à la France de partager son siège au conseil de sécurité de l’ONU avec l’Allemagne. Oupss

Angles morts et fulgurances

Chine

– On peut bien sûr se moquer de certaines de ces idées, aidés que nous sommes par le recul de l’histoire. Par exemple il évoque très peu la Chine. Il cite une seule fois la « nouvelle économie » du Net et les « autoroutes de l’information ».
– Mais il y a beaucoup de raisonnements édifiants, de ceux qui font réfléchir longuement, en se demandant s’il s’est fourvoyé, ou s’il n’aura pas raison sur le très long terme.
– Il cite régulièrement Francis Fukuyama et Zbigniew Brzezinski.

Et puis il y a des fulgurances sur la décomposition du système américain:

Éducation et libre échange

– Sur l’éducation : « Les conséquences de l’éducation sont innombrables. L’une d’elles est de déraciner mentalement les populations ».
– Sur le libre-échange : « La théorie économique libérale est franchement bavarde lorsqu’il s’agit de vanter les mérites du libre-échange (…) La scolastique économique perçoit, décrit, invente un monde idéal parfaitement symétrique (…). [Cette théorie] est aujourd’hui cultivée et produite à 80% dans les grandes universités américaines. Elle constitue, avec la musique et le cinéma, l’une des exportations culturelles majeures des États-Unis ».

Tribut

– Il évoque les différentes formes de tribut que le monde paye aux États-Unis : « Le déficit commercial des États-Unis doit être qualifié, dans ce modèle, de prélèvement impérial ». « Le contrôle de certaines zones de production pétrolière est un élément important du tribut traditionnel ». Il ajoute le dollar comme « monnaie magique », les ventes d’armes … Et cela date de la fondation de l’Amérique : « L’Amérique s’est toujours développée en épuisant ses sols, en gaspillant son pétrole, en cherchant à l’extérieur les hommes dont elle avait besoin pour travailler ». Il enfonce le clou : « C’est pourquoi l’exportation par les États-Unis de leur modèle spécifique de capitalisme dérégulé constitue une menace pour les sociétés européennes, comme pour la société japonaise ».

Guerre

– Sur la guerre : « La vérité stratégique de la Seconde Guerre mondiale est qu’elle a été gagnée, sur le front européen, par la Russie, dont les sacrifices humains, avant, pendant, et après Stalingrad, ont permis de casser l’appareil militaire nazi ». « La stabilité du système américain reposait au départ sur la domination par Washington de ces deux piliers fondamentaux, l’Allemagne et le Japon, conquis lors de la Seconde Guerre mondiale, puis apprivoisés ».
– Il distingue les cultures universalistes (France, Russie …) pour qui tous les peuples se valent, et les cultures différentialistes (États-Unis, Allemagne, Japon …) qui hiérarchisent les peuples.

Ma prochaine note de lecture sera consacrée à son dernier livre « La défaite de l’Occident ».

On trouvera sur le blog Inter-Ligere plusieurs références sur la géopolitique.

« Après l’empire – essai sur la décomposition du système américain » est édité par Gallimard (réédité en 2023).

Bonne lecture !
Jérôme Bondu

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