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Géopolitique

A lire : La défaite de l’Occident, d’Emmanuel Todd

By 29 mai 2024No Comments
la défaite de l'occident

J’ai lu La défaite de l’Occident d’Emmanuel Todd.
Cette nouvelle lecture suit « Après l’empire – essai sur la décomposition du système américain ».

Comme évoqué dans ma dernière note, Emmanuel Todd est clivant, je ne reviens pas sur ce point. Cette note de reflète pas ma vision du monde, mais celle de l’auteur.

La défaite de l’Occident

L’ouvrage est passionnant. Emmanuel Todd fait des analyses transversales détonantes. Dans les grandes lignes, si je devais résumer le livre : il explique pourquoi les États-Unis d’Amérique vont s’effondrer et souligne les éléments structurels qui sont à l’origine de cette faillite : disparition du protestantisme, baisse du niveau d’éducation, faiblesse de la natalité, indigence des dirigeants, manque de compréhension du monde qui les entoure, incompréhension de la défiance envers le modèle occidental… Emmanuel Todd explique que les USA n’ont pas compris que la disparition de l’URSS était due à des causes internes à l’espace soviétique. Tout à son hubris, les Américains n’ont pas non plus perçu le relèvement de la Russie sous Poutine.

La guerre en Ukraine sera gagné par Poutine

La guerre en Ukraine sera, selon Emmanuel Todd, gagné par Poutine. Cela entrainera un discrédit de l’OTAN et par ricochet, des États-Unis. Cela va encore renforcer les failles structurelles des USA, qui depuis des années masquent ses problèmes par une forme de tribut sur ses alliés (que l’auteur appelle vassaux) : Japon, Allemagne, Europe… Les États-Unis épongent par exemple leur déficit commercial avec le dollar. Cela est connu. Plus surprenant, l’auteur explique que les USA collectent de multiples tributs sur leurs vassaux, à commencer par le tribut du sang : ce ne sont pas comme du temps de la splendeur d’Athènes ou de Rome, des esclaves qui viendraient contraints et forcés dans les capitales de l’empire. Ce sont aujourd’hui des « forces vives » qui viennent pour travailler dans la Silicon Valley (ou ailleurs). Elles sont consentantes ou y vont à reculons pour y obtenir les financements qu’elles n’ont pas dans leur pays d’origine. L’anthropologue dans un parallèle fulgurant appelle cela « tribut » ! Et n’objectez pas que ces émigrés sont pour la plupart ravis d’aller travailler aux Etats-Unis. On pourrait objecter que la vraie manipulation, est celle qui n’est pas perçue ni comprise de ceux qui en sont la cible, et qui font volontairement, ce pour quoi ils sont manipulés…
Emmanuel Todd évoque bien sûr longuement la guerre en Ukraine, qui est selon lui, une tentative des Américains d’empêcher un rapprochement Germano-Russe, les deux grandes forces européennes.

Voilà ce que je peux expliquer de mémoire sur la « La défaite de l’Occident ». Je complète ma note de lecture par quelques bonnes phrases, issues du livre. Tout ce qui est entre guillemets est bien évidemment de l’auteur.

Citations issues de « La défaite de l’Occident »

Surprises de la guerre

Introduction : Les dix surprises de la guerre
« L’Allemagne a accepté sans broncher le sabotage des gazoducs Nord Stream (…) un acte terroriste dirigé contre elle autant que contre la Russie ».

La stabilité russe
Emmanuel Todd calcule que la Russie forme plus d’ingénieurs que l’Amérique. Et pas en proportion de la population, en valeur absolue !! Ce qui est proprement sidérant. L’Amérique comble son retard en faisant venir à elle des ingénieurs du monde entier (tribut évoqué plus haut).

L’énigme ukrainienne
« Les Américains eux-mêmes furent surpris par la résistance de l’Ukraine. Occupés à en rééquiper et réorganiser l’armée, ils avaient annoncé que l’invasion russe était imminente, puis détalèrent comme des lapins, entraînés sans doute par leur expérience de Kaboul dans l’art de l’évacuation. »

Russophobie postmoderne

En Europe orientale, une russophobie postmoderne
« Maintenant que nous sommes libérés en masse des croyances métaphysiques, fondatrices et dérivées, communistes, socialistes ou nationales, nous faisons l’expérience du vide, et nous rapetissons. Nous devenons une multitude de nains mimétiques qui n’osent plus penser par eux-mêmes -mais se révèle quand même tout aussi capable d’intolérance que les croyants d’autrefois. »

Qu’est-ce que l’Occident ?
Emmanuel Todd détaille les facteurs de la crise occidentale.
La grandeur de l’Europe date du protestantisme qui a placé l’éducation comme une vertu cardinale. La déchristianisation actuelle annule les impacts positifs. Nous faisons actuellement l’expérience d’un « vide intellectuel », d’une forme de « nihilisme ».

Suicide assisté de l’Europe

Le suicide assisté de l’Europe
« L’Union européenne a disparu derrière l’OTAN, plus soumise désormais aux États-Unis qu’elle ne l’avait jamais été. Je l’ai dit : l’axe Berlin-Paris a été supplanté par un axe Londres-Varsovie-Kiev piloté de Washington, renforcé par les pays scandinaves et baltes devenus des satellites directs de la Maison-Blanche ou du Pentagone.»

En Grande-Bretagne : vers la nation zéro
« Les premiers libéraux, comme l’avait si bien montré Karl Polanyi, avait construit le marché ; les néolibéraux détruisent l’économie. C’est très différent. »

La Scandinavie : du féminisme au bellicisme
« Le Danemark, quant à lui, se comporte depuis longtemps comme une annexe des services de renseignement américain. Il a participé à la mise sur écoute du téléphone d’Angela Merkel. En collaboration avec la NSA, un centre de recueil et de stockage des données a été construit sur une petite île à l’est de Copenhague pour espionner les alliés occidentaux plutôt que les Russes. »

Oligarchie et nihilisme

La vraie nature de l’Amérique : oligarchie et nihilisme
« Car le vrai problème auquel le monde est aujourd’hui confronté, ce n’est pas la volonté de puissance russe, très limitée, c’est la décadence de son centre américain, elle sans limites. »

Dégonfler l’économie américaine
« Le domaine de l’énergie a mis en lumière l’une des grandes bizarreries de la guerre. On se demande sans cesse si le but des Américains est de défendre l’Ukraine ou de contrôler et d’exploiter leurs alliés européens et Est-Asiatiques. »

La bande de Washington
« Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’establishment géopolitique américain, qu’on appelle sur place familièrement le « blob », du nom d’un micro-organisme inquiétant. »

Pourquoi le reste du monde a choisi la Russie
« Le narcissisme occidental, l’aveuglement qui s’ensuit est devenu l’un des atouts stratégiques majeurs de la Russie. »

Piège ukrainien

Conclusion : Comment les États-Unis sont tombés dans le piège ukrainien (1990-2022)
Ecoutons Emmanuel Todd : « Je suis personnellement convaincu que les efforts des États-Unis pour séparer l’Allemagne de la Russie, l’une de leurs obsessions stratégiques depuis 1990, finiront par échouer. Sur la carte de l’Europe deux force majeure sautent aux yeux, l’Allemagne et la Russie. (…) Tôt ou tard, elles collaboreront. La défaite américaine ukrainienne ouvrira la voie à leur rapprochement. »

Emmanuel Todd explique plus loin que les Allemands, encore plus que les Français, se sont opposés à la seconde guerre du Golfe contre l’Irak. « Après la victoire sur Saddam Hussein, Condoleeza Rice, conseillère pour la sécurité de Bush fils, puis Secretary of State, a formulé cette vérité par sa négation « il faut punir la France, ignorer l’Allemagne et pardonner à la Russie ». Nous savons que la Russie ne sera pas pardonnée, que la France ne sera pas punie. Mais l’Allemagne sera tout sauf ignorée. (…) Quand [les Américains] interviennent en Ukraine désormais, ce n’est pas pour briser la Russie par une action offensive, c’est pour tenir les Allemands et enrayer la politique européenne autonome (et fort maladroite) qui se dessine. »
« La défaite [des Américains], ce serait le rapprochement germano-russe, la dédollarisation du monde, la fin des importations payées par la planche à billets collective interne, une grande pauvreté. »

Critiques du livre
Inutile de dire qu’Emmmanuel Todd est très critiqué. Ce titre du Monde est à lui seul évocateur :
« Dans son nouveau livre, l’essayiste annonce la fin de l’Ukraine et de l’Occident, sans réels arguments et sans s’embarrasser de cohérence, mais en ligne avec la propagande russe. »
Ce titre ne reflète pas à mes yeux le livre, qui à minima, pose des bonnes questions, et invite à trouver des réponses.

La défaite de l’Occident est édité par Gallimard en 2023.

Jérôme Bondu

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