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E-reputation

À lire : L’emprise – la France sous influence, de Marc Endeweld 2/3

By 29 septembre 2022octobre 3rd, 2022No Comments
Marc Endeweld

J’ai lu L’emprise – la France sous influence, de Marc Endeweld, édité au Seuil.

Je précise comme à chaque fois, que cette note de lecture n’est ni résumé ni une synthèse. J’ai essayé de reprendre fidèlement quelques éléments du livre. Les phrases entre guillemets sont de l’auteur et n’engagent que lui. Je vais publier ma note en trois parties (voir mon premier billet : La France sous influence).

Marc Endeweld

Marc Endeweld est diplômé de l’Institut d’études politiques de Toulouse et de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), il est l’auteur de plusieurs ouvrages d’enquête. Il a enquêté notamment sur :
– Affaire Bygmalion et campagne 2012 de Nicolas Sarkozy
– Areva et le dossier « Uraniumgate »
– Affaire Airbus
Voir son profil wikipedia.

Partie III – Nos amis américains

Chapitre 8 – La guerre du gaz est terriblement d’actualité avec la guerre en Ukraine

Marc Endeweld décrit les rapports de force et les intérêts divergents en Europe. Par exemple côté Français : « Si la France doute de North Stream 2, c’est sans doute pour l’avantage qu’à terme il donnera à Berlin ». Les Allemands, de leur côté, vont torpiller une solution qui par passe par le sud (South Stream) pour promouvoir leur solution (North Stream). Comme on s’en doute, ces désaccords sur l’énergie font le jeu des Américains. « N’ayant pas trouvé d’accord avec l’Allemagne, la France se retrouve isolée, et ballottée par le jeu diplomatique entre Russie et États-Unis ».

Chapitre 9 – À l’assaut d’Airbus

C’est un des chapitres les plus palpitants, en tout cas pour ceux qui sont intéressés par la guerre économique. Le patron d’Airbus, Tom Enders est décrit comme « l’ami des Américains ». « Il ne jure que par les États-Unis. Son rêve aurait été de devenir patron de Boeing ». Il lancera en 2014 un vaste audit sur les agents commerciaux, qui a durablement déstabilisé l’entreprise « tout le réseau commercial du groupe aéronautique est paralysé ». Airbus aurait pu tomber dans les mains de Boeing, si l’avionneur américain n’avait pas eu des déboires sur le 737 Max. Marc Endeweld rappelle l’instrumentalisation du droit à des fins de guerre économique (voir le livre d’Ali Laïdi et sa conférence au Club IES)
Le rôle de l’anglais John Harrisson, directeur juridique (passé auparavant chez Technip et Alstom … oups) est plus que trouble. Les Français sont tétanisés. Le rêve des Américains « est de mettre sous tutelle Airbus, de transformer le groupe en un gros sous-traitant pour Boeing ». L’entreprise a été condamnée à payer 3,6 milliards d’euros d’amende. Cela aurait pu être pire. Seul bémol, la justice américaine se réserve le droit de poursuivre le groupe dans les années à venir. En clair, les Américains ne vont pas lâcher aussi facilement leur proie.

Chapitre 10 – Agents doubles

Dans ce chapitre passionnant, Marc Endeweld traite des rapports entre les services secrets, qui espionnent sans limites, et pour lesquels il parle « d’État profond mondial des services ». Tous les coups sont permis, surtout pour les Américains. L’auteur relate un fait d’armes de Bernard Barbier qui ayant détecté une attaque américaine sur l’Élysée, va se faire un plaisir de démontrer l’attaque le 12 avril 2013 devant Keith Alexander, alors directeur de la NSA ! C’était selon Barbier, un des meilleurs moments de sa carrière. L’auteur décrit longuement le rôle des câbles sous-marins, et la place particulière de la France « pays stratégique pour le fonctionnement d’internet » car « lieu de jonction de très nombreux câbles sous-marins en contact avec les États-Unis, l’Afrique, l’Asie, et le reste de l’Europe ». C’est sans doute pour cela que la société française Qosmos est un des leaders du Deep Packet Inspection « qui consiste à placer des sondes de capture de trafic réseau ». Marc Endeweld déplore, comme tous les spécialistes, la perte d’Alcatel Submarine Networks ASN. Déplore l’utilisation de Microsoft par le ministère de la Défense, via un contrat « qui n’a donné lieu à aucun appel d’offres ni aucune procédure publique ». Il pointe la puissance du lobbying américain, et vise en particulier Alain Bauer (intervenu au Club IES) consultant pour Microsoft. L’auteur déplore que la société Cisco équipe le pôle cyberdéfense en Bretagne ainsi que le ministère de la Défense à Balard. Alors qu’il est de notoriété que la NSA peut « y implanter des outils de surveillance via des portes dérobées, avant de reconditionner les appareils avec un sceau d’usine et de les envoyer » (p 287). Déplore que « nos responsables politiques soient totalement niais ». Marc Endeweld finit par le renseignement économique, l’affaire Pierre Marion, la trahison de Philippe Thyraud de Vosjoli, et sur l’impunité américaine.

Chapitre 11 – La faute Alstom

Chapitre tout aussi passionnant, et bien connu des professionnels de l’intelligence économique. Je ne reviens pas sur le sujet, déjà bien abordé dans ma note de lecture « Le piège américain » de Frédéric Pierucci.  Néanmoins Marc Endeweld rappelle une foule de choses passionnantes : on y apprend au passage que c’est Édith Cresson qui a créé l’ADIT (ce que j’avais oublié). Marc rappelle les origines de cette déconfiture industrielle, avec la vision d’un Ambroise Roux ou d’un Serge Tchuruk pour qui l’avenir de l’industrie est fabless, c’est-à-dire sans usine, avec uniquement un rôle en amont (R&D, conception) et aval (commercialisation). Il rappelle le faux « l’aveu » de James Woolsey, directeur de la CIA de 93 à 95, dans l’article Why We Spy on Our Allies. Plus concrètement, il explique que Montebourg a été court-circuité dans l’affaire Alstom. Et plus dérangeant, il explique qu’Alstom était malade de corruption. Que l’entreprise était fortement endettée. Qu’elle était en phase de rapprochement avec son homologue chinois Shanghai Electric (ce qui était une ligne rouge pour les Américains). Et qu’enfin Bouygues, n’ayant pas obtenu satisfaction dans le nucléaire, a décidé de vendre ses parts d’Alstom, déséquilibrant ainsi l’entreprise. On y retrouve le témoignage de Christian Harbulot (voir cette interview sur la souveraineté informationnelle et celle sur la compétition économique mondiale . Emmanuel Macron est critiqué pour avoir été « en réalité à la manœuvre sur ce dossier depuis le début du quinquennat ». Le témoignage le plus dur, vient sans doute d’Olivier Marleix « Alstom, Alcatel, Technip, Lafarge et STX sont tous passés entre les mains d’Emmanuel Macron quand il était ministre de l’Économie sous François Hollande. Sur chacun de ces dossiers, il a dû donner son accord. C’est un rythme de fusions acquisitions jamais vu en France ». Lire le troisième billet.

Jérôme Bondu

Lire mes 100 autres notes de lecture.

Et voir la cartographie de mes ouvrages préférés.

Source image : Compte Twitter de Marc Endeweld.

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