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Influence

À lire : « La Guerre de l’information » 3/4 La guerre psychologique

By 12 janvier 2024janvier 16th, 2024No Comments
guerre psychologique_parades françaises

Comment se met en place la guerre psychologique ? J’ai lu « La Guerre de l’information – Les États à la conquête de nos esprits » de David Colon. C’est un livre passionnant, qui vient compléter les précédents ouvrages de David Colon : « Les maitres de la manipulation » et « Propagande et manipulation de masse ». Cette note de lecture n’engage évidemment que moi. Les phrases entre guillemets sont de l’auteur.

Je vais la publier en quatre parties :

  1. La Guerre de l’information
  2. La guerre totale de l’information
  3. La guerre psychologique
  4. La guerre cognitive

Chapitre 9. – La France face à une guerre qu’elle tarde à reconnaître comme telle

Concept de réinformation

Les acteurs de l’influence russe inventent le concept de réinformation ! Il s’agit (selon le point de vue russe) de « remettre l’actualité dans une autre perspective en évitant les pièges du politiquement correct ». Ce concept est porté par des agents d’influence russe en France.

Agents d’influence russe et guerre psychologique

Qui sont-ils ?
– Le concept de réinformation est porté par la diplomatie politique de la Russie et ses médias internationaux (RT, Sputnik), avec des relais ponctuels à des agences françaises de relation publique.
– On trouve ensuite des agents d’influence, au premier rang desquels Marine Le Pen. La nébuleuse est aussi composée d’un vaste réseau d’experts. Dans la liste, on trouve le CF2R d’Éric Denécé (que j’ai reçu au Club IES sur les « pratiques illégales de la concurrence »  et dont j’ai chroniqué plusieurs livres dont Renseignement et espionnage pendant l’antiquité et le Moyen Âge.)
– David Colon traite assez profondément le travail de sape de la Russie en Afrique, et pointe entre autre Kémi Seba, membre de la complosphère française.
– Face à quelques victoires (comme la dénonciation par l’armée française de l’histoire du faux charnier de Gossi) il y a beaucoup de défaites et un net recul de l’image de la France en Afrique.

Les armes françaises dans la guerre psychologique informationnelle

Mais la France n’est pas que spectateur de cette guerre informationnelle. David Colon liste les contremesures françaises, dont :
– La cyberdéfense est érigée au rang de priorité stratégique. En 2017 est créé le commandement de la cyberdéfense ComCyber, avec 3200 cybercombantants, et qui s’appuie entre autres sur le CIAE et l’ANSSI. (j’ai l’honneur d’avoir rejoint récemment le ComCyberGend en qualité de réserviste citoyen).
– Des services spécialisés sont créés au sein des services de renseignement.
– Création d’un corps doctrinal de cyberdéfense, avec le LID (lutte informatique défensive), LIO (lutte informatique offensive) et L2I (lutte informatique d’influence).
– En 2017 est votée une loi contre la manipulation de l’information.
– En 2021 la France se dote d’une agence chargée de la « vigilance et de la protection contre les ingérences numériques étrangères » VIGINUM.

Asymétrie de combat

Mais encore une fois, l’auteur souligne, la « profonde asymétrie entre ce que peuvent faire un régime démocratique comme la France et ce que font ses adversaires les plus résolus ». Il explique plus loin : « les militaires sont en quête d’efficacité, les diplomates de légitimité internationale, et les politiques de retour sur l’opinion publique ». Le problème de coordination est réel. La seule instance qui peut jouer ce rôle est le C4 Centre de coordination des crises cyber, piloté par l’ANSSI et qui regroupe la DGSE, DGSI et ComCyber.

En raison de son histoire, et de sa vocation universelle, la France est un des principaux théâtres et enjeux de cette guerre informationnelle mondiale qui oppose désormais les dictatures et démocraties ».

Chapitre 10. – Les théories du complot et la guerre psychologique

Guerre psychologique

Le début de ce chapitre sur la guerre psychologique se penche sur les rouages de l’affaire Cambridge Analytica, dont j’ai déjà beaucoup parlé, par exemple dans les notes de lecture « Les maitres de la manipulation » ou « L’âge du capitalisme de surveillance »
David Colon détaille le rôle d’Aleksandr Kogan, Christopher Wylie, Steve Bannon, Robert Mercer … Il rappelle le test de contagion émotionnelle réalisé par Facebook en 2014, qui a permis de détecter que la colère était l’émotion qui générait le plus d’engagements des internautes. Et donc qui produisait le plus de revenus pour Facebook. Et surtout, David Colon explique que le GRU et l’IRA vont bientôt instrumentaliser ces découvertes pour peser sur le Brexit et l’élection de Trump. (Voir à ce titre la note de lecture des « Ingénieurs du chaos »

Système immunitaire

Puis le chapitre se concentre sur QAnon, qui va engendre une « mégathéorie du complot participative ». Ces pages sont passionnantes…

Vladimir Poutine usera de métaphores sanitaires pour évoquer ces sujets : « virus médiatique » capable de s’autoreproduire ; un psychovirus. Si on file cette métaphore, on peut dire que QAnon affaiblit le système immunitaire de ceux qu’il infecte ! Tout un programme …

Chapitre 11. – L’Ukraine, théâtre de la guerre 3.0

Guerre psychologique en Ukraine

David Colon évoque dans ce chapitre le théâtre d’opérations ukrainien. Il explique notamment l’irruption des acteurs privés (GAFAM) dans cette guerre. À l’image d’Elon Musk qui met à disposition les stations Starlink pour permettre à des drones ukrainiens de guider l’artillerie et de bombarder les troupes russes (déjà évoqué dans le compte rendu sur l’internet russe). D’autres ingrédients numériques (objets connectés, outils d’intelligence artificielle) font que cette guerre pourrait être nommée la première guerre 3.0.

Sphère informationnelle russe

Poutine a perdu la guerre du narratif en Occident. Des acteurs de la société civile comme bellingcat ont apporté leur force de frappe dans la recherche de la vérité. Mais le maitre du Kremlin a soigneusement verrouillé sa propre sphère informationnelle. En outre, la suspension de la diffusion de RT et de Sputnik dans les pays de l’Union européenne est toute relative. On peut toujours utiliser un VPN pour se connecter aux sites, ou accéder à des sites miroirs. De plus, le camp russe utilise abondamment la technique du détournement cognitif (gaslighting ou gas-lighting) pour noyer le poisson. Chaque vérité dérangeante est noyée par une diffusion massive de théorie du complot. Enfin, les Russes utilisent des outils d’intelligence artificielle pour construire de faux éléments de communication plus vrais que nature. C’est ce que l’on appelle des communications folles ou MadComs.

Infocalypse

Si les auteurs de science-fiction ont longtemps été obsédés par la prise du pouvoir par des robots (robocalypse), il apparait comme plus vraisemblable une pollution massive par des systèmes automatisés (infocalypse) nous empêchant de discerner le vrai du faux. Bienvenu dans la guerre psychologique !

Quatrième et dernière partie de la note de lecture : La guerre cognitive !

N’hésitez pas à consulter les formations Inter-Ligere sur l’influence :

« La Guerre de l’information » est édité chez Tallandier.

Bonne lecture !
Jérôme Bondu

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