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A lire : Influences et manipulations. 2/2

By 18 septembre 2022No Comments
Influences et manipulation - Robert Cialdini

Influences et manipulations, quels leviers ? Voici la seconde partie de ma note de lecture « Influence et manipulation » sous-titrée « l’art de la persuasion » de Robert Cialdini (lire la première partie).

5 – La sympathie

L’apparence physique

– Explication : la capacité de créer un lien de sympathie est un puissant outil d’influence. La sympathie peut se créer au travers de l’apparence physique, le corps. Il est prouvé que cela joue dans pratiquement tous les domaines, depuis le recrutement, jusqu’à l’influence sur un jury pour l’attribution de peine. Outre l’apparence physique, la sympathie se créer aussi par le principe de similarité. « Nous aimons ce qui nous ressemble ». La similarité peut passer par la tenue, l’habillement ou par la recherche de points communs. Troisième point, la sympathie peut évidemment passer par le fait de complimenter son interlocuteur. « Les compliments positifs éveillaient la même sympathie envers le flatteur, indépendamment de leur sincérité ». Quatrième point mis en avant par l’auteur : la coopération. Enfin, l’association, qui fait qu’une personne va être associée aux messages qu’elle va porter.

Une classe est aussi un lieu de compétition

– Exemple : David Cialdini développe un exemple intéressant sur la difficulté de mettre en place une réelle coopération. Le simple de côtoiement ne suffit évidemment pas. Pour preuve, des tests ont été menés de faire se côtoyer des enfants dans des salles de classe, pour générer des liens de sympathie entre eux. Cela s’est révélé très contreproductif, car il n’avait pas été pris en compte qu’une classe est aussi un lieu de compétition. L’auteur explique aussi la mécanique des entretiens policiers du type « méchant et gentil ».
– Comment lutter contre ? « Il y a bien trop de voies à défendre si l’on veut adopter une stratégie diversifiée. D’ailleurs, plusieurs des facteurs incitant à la sympathie, tels que l’apparence physique, la familiarité, l’association, agissent à notre insu, ce qui diminue d’autant nos possibilités de leur opposer à temps une protection appropriée ». D’où le conseil de Robert Cialdini de nous concentrer sur les effets que nous ressentons plutôt que sur les causes. La bonne question est donc : est-ce que la sympathie que l’on ressent pour quelqu’un est trop rapide, trop inattendue ?

6 – L’autorité

Milgram et la soumission à l’autorité

– Explication : Ce vecteur a une place importante dans les techniques d’influences et manipulations.  Robert Cialdini présente évidemment la célèbre expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité. Des symboles (comme le drapeau), des titres, des vêtements, des accessoires (comme des bijoux) … sont des éléments qui peuvent déclencher une soumission à l’autorité.

Une administration analogue

– Exemple : Robert Cialdini présente des situations réelles où cette soumission a été matérialisée. Par exemple, quand des infirmières suivent l’ordonnance d’un médecin sans questionner le moins du monde sa fiabilité. Conséquence « une étude récemment réalisée par l’administration des finances de la santé montre que, pour l’administration de médicaments seulement, les hôpitaux ont en moyenne un taux quotidien d’erreur de douze pour cent. » Il présente le cas, presque drôle, d’une ordonnance sur laquelle un médecin prescrivait des gouttes dans les oreilles avec un premier produit. Puis mentionnait un second produit avec, écrit-il, « une administration anal ». … Anal est ici bien sûr un abrégé du mot analogue ! Sauf que l’infirmière l’a pris un premier degré, avec donc, une administration comme un suppositoire. Cette erreur était bénigne, mais d’autres expériences ont prouvé qu’il suffisait qu’une personne se fasse passer pour un médecin pour convaincre des infirmières d’administrer un produit d’une part interdit, et de surcroit en trop grande dose (relaté p 310).
– Comment lutter contre ? « Notre défense fondamentale est donc de prendre conscience du pouvoir de l’autorité ». Et de s’interroger, d’abord, sur la compétence de la personne qui incarne l’autorité dans le contexte donnée ! Puis de s’interroger sur la sincérité de cette personne.

7 – La rareté

Dernier vecteur de cette panoplie des outils qui permettent influences et manipulations.

– Explication : « l’idée de perte potentielle jour un rôle considérable dans la prise de décisions. En fait, nous semblons plus motivés par la crainte de perdre une chose que par la perspective d’en gagner une autre, de valeur égale ». Et plus loin « le principe de rareté agissant si vigoureusement sur la valeur que nous attribuons aux choses, il est naturel que les professionnels de la persuasion cherchent à l’appliquer à leur façon ». Il peut y avoir des variantes : rationnement des produits, délais d’obtention, obligation d’un achat immédiat …

Manie des raccourcis

– Le principe de rareté repose d’abord sur « notre manie des raccourcis ». Si c’est rare, c’est que c’est intéressant. Il repose ensuite sur le principe de « réactance psychologique ». « Au fur et à mesure que l’objet devient moins disponible, nous perdons une partie de notre liberté. Or s’il y a y une chose que nous avons en horreur, c’est de perdre une liberté qui nous était acquise. » Pour retrouver cette liberté, nous allons par transfert essayer de posséder l’objet à l’origine de ce sentiment de perte de liberté.
– Exemple : un enfant de deux ans découvre qu’il est un être indépendant. Il va donc chercher à explorer le champ de possibles. Cela passe par un fort esprit de contradiction, qu’il faut comprendre comme étant une recherche d’information sur sa marge de manœuvre. Mais il y a une autre période similaire. « Si la troisième année de l’enfant est par excellence l’âge de la réactance psychologique, cette tendance à se rebeller contre toute atteinte à sa liberté d’action se manifeste tout au long de la vie. » Notamment pendant l’adolescence.

Révoltes et révolutions

– Robert Cialdini présente un second exemple passionnant. Il explique que les révoltes et révolutions n’apparaissent jamais quand un peuple est soumis de longue date à une privation. Elles apparaissent quand il y a une amélioration des conditions puis une rechute. C’est cette peur de perdre ce qui était acquis qui provoque la crise. Par exemple dans les années 60 aux États-Unis il y a eu de nombreux conflits raciaux. Cela suivait la décision en 1954 de réaliser la mixité dans toutes les écoles publiques, et qui avait provoqué de nombreuses agressions contre les Noirs. Robert Cialdini explique : « pour la première fois depuis bien avant la Deuxième Guerre mondiale, depuis l’époque où on enregistrait soixante-huit lynchages en un an, les Noirs devaient se préoccuper de la sécurité physique de leurs familles ». Donc ce gain de liberté, puis perte de sécurité, a mené à la révolte. « Les Noirs américains sont devenus plus rebelles au moment où ils se trouvèrent arrêtés dans leur constante progression, et même ramenés à une situation antérieure. » Cette règle s’est aussi vérifiée en aout 1991, quand un putsch renversa Gorbatchev. Ce dernier avait octroyé des libertés aux Russes. « Voyant que ses libertés nouvellement acquises étaient menacées, la population se débattit comme un chien auquel on aurait tenté de prendre un os ».
– Il évoque aussi les batailles entre ménagères lors des soldes dans les grands magasins, « situation de compétition pour une ressource limitée ».

Pression de la rareté

– Comment lutter contre ? « Il n’est pas forcément suffisant de connaitre les causes et le fonctionnement de la pression de la rareté pour nous en protéger, car cette connaissance est purement intellectuelle, et les recours intellectuels disparaissent devant notre réaction émotionnelle à la rareté ». Encore une fois Robert Cialdini propose d’être attentif à notre bouleversement intérieur. Concernant la rareté des biens, il conseille de bien faire la différence entre posséder un bien, et en avoir l’utilité.

Épilogue: Influences et manipulations

Utiliser une partie des informations

Robert Cialdini résume les idées principales de son ouvrage : quand nous prenons une décision, nous n’utilisons qu’une partie des informations à notre disposition. En outre, n’ayant pas tout le temps de pouvoir tout analyser, notre raisonnement prend des raccourcis. « C’est pourquoi nous utilisons des facteurs comme la réciprocité, la cohérence, la preuve sociale, la sympathie, l’autorité et la rareté, si souvent, et si machinalement, chaque fois que nous devons prendre une décision ».

Or la civilisation qui s’annonce à nous est faite de nouveauté, d’éphémère, de diversité, d’accélération, de surabondance …. Donc notre de besoin de passer par des raccourcis va augmenter, et les possibilités de se faire influencer ou manipuler vont aller grandissante. « Notre équipement mental (est) incapable de maîtriser la complexité et la richesse de l’environnement ».

Se battre contre ce système

Mais Robert Cialdini est tout sauf défaitiste. Plutôt que la fuite, il recommande « un assaut en force ». Il faut se battre contre ce système, et être « en guerre avec les exploiteurs ». « Les enjeux sont désormais trop élevés pour que nous nous rendions sans combattre ». Gérald Bronner avec l’invitation à connaitre la cartographie de ses biais cognitifs (Apocalypse cognitive et Démocratie des crédules) , et Sébastien Bohler avec la maitrise de son striatum ont le même raisonnement. La maîtrise des ressorts es influences et manipulations est essentielle.

Critique

Légère critique : Le style d’écriture est un peu daté, et surtout, très américain. Cela m’a fait penser à « Comment se faire des amis »  livre dans lequel Dale Carnegie commence pas mal de ses conseils en expliquant comment un voisin ou un ami a réussi à devenir riche… CQFD

C’est une bonne lecture pour comprendre les influences et manipulations que l’on peut sabir !

Jérôme Bondu

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Et voir la cartographie de mes ouvrages préférés.

Le PDF complet du livre est en ligne.

Source image Wikipedia.

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