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Géopolitique

À lire : Comment l’Empire romain s’est effondré ! De Kyle Harper

By 4 mars 2023No Comments
Comment l’Empire romain s’est effondré

J’ai lu « Comment l’Empire romain s’est effondré » de Kyle Harper. L’ouvrage est sous-titré « Le climat, les maladies et la chute de Rome », et est édité par La Découverte en 2019 (l’édition anglaise date de 2017). Ce billet complète l’article La chute de l’Empire romain et la situation écologique actuelle.

Comment l’Empire romain s’est effondré ?

Invasions barbares

Comme beaucoup, j’attribuais la chute de l’Empire romain aux invasions barbares, à la trop grande étendue de la zone à défendre, et peut-être aussi à la faiblesse des décideurs romains. Ce livre explique que la dimension proprement humaine (déplacement de populations, choix des décideurs) a joué un faible rôle face aux forces de la nature. L’empire s’est avant tout effondré, car :
– Le climat extrêmement généreux (appelé Optimum climatique romain) qui a permis le développement de l’empire a changé vers le 1er siècle après J.-C..

– Le refroidissement de la température a radicalement changé la donne, et provoqué des famines.
– L’étendue géographique de l’empire a permis à des maladies, comme la variole et la peste bubonique, d’être reliées avec les grandes villes romaines.

Propagation des épidémies

– Les routes commerciales qui reliaient les villes de tout l’Empire ont permis la propagation des épidémies. Véritables autoroutes des maladies.
– Les villes étaient des incubateurs parfaits pour ces maladies, avec les bains publics qui étaient de véritables bouillons de culture, des égouts qui stagnaient sous les villes et chassaient mal les excréments, des greniers à blé qui étaient une source d’attraction pour les rats.
– Et même les grandes invasions barbares ont une origine climatique. Le changement climatique qui a touché les immenses steppes eurasiatiques a frappé durement les nomades. Ces derniers avaient l’habitude de mener les attaques vers l’est, c’est-à-dire vers la Chine. D’où l’érection de la grande muraille de Chine ! Mais la Chine fut aussi éprouvée par la famine, et les nomades ont tourné la bride et se sont mis à déferler sur l’Ouest, dans le monde romain.
– L’auteur loin de souligner la faiblesse de l’Empire romain, remarque au contraire l’extraordinaire longévité et résilience de cette organisation qui a duré 1000 ans (pour l’Empire romain d’Occident) et a bravé un refroidissement et des famines, plusieurs vagues de maladies, puis des invasions.

On voit que la réponse à la question « Comment l’Empire romain s’est effondré ? » est plus complexe qu’il n’y parait.

Conséquences de l’effondrement de l’Empire romain

Les conséquences de ces agressions climatiques et bactériologiques sont de plusieurs ordres :
– Politique : L’Empire s’est disloqué.
– Démographique : Il est difficile de mesurer le taux de mortalité. Chaque vague de maladie aurait emporté entre 20 et 50% de la population. La place de Rome est particulière : La capitale serait passée d’un million d’habitants à 20 000 … Soit pour dire les choses autrement 980 000 morts ou partis.
– Cultuelle : conséquence inattendue de ces crises, le Christianisme a triomphé. Comme on peut le lire en 4e de couverture : « Face à ces catastrophes, les habitants de l’Empire ont cru la fin du monde arrivée. Les religions eschatologiques, le christianisme, puis l’islam ont alors triomphé des religions païennes. » C’est par ce que la religion chrétienne s’est développé dans une période de trouble intense, de mortalité insensée, qu’elle a acquis des caractéristiques qu’un observateur extérieur pourrait qualifier de morbide : crucifixion, place de l’enfer, culpabilité, souffrance, châtiment … Autant de caractéristiques acquises dans une période d’effondrement de l’Empire romain, de perspective de fin du monde.

Kyle Harper joue bien son rôle d’historien quand il détourne notre vision étroite et humano centrée, et replace l’Homme dans son écosystème.

Sources de l’analyse de l’effondrement de l’Empire romain

C’est un ouvrage érudit. L’auteur utilise tous les moyens scientifiques et techniques modernes, qui ont été longtemps inaccessibles :
– L’analyse des maladies qu’a connue un Homme à partir de son squelette.
– Le séquençage de l’ADN des restes biologiques issus des fouilles archéologiques.
– L’analyse des cernes de croissance d’un arbre ou les carottes glaciaires pour analyser l’évolution du climat.
– L’analyse des explosions volcaniques à partir de minuscules résidus archéologiques.
J’y ai appris un nouveau mot ! On appelle consilience le croisement de plusieurs domaines scientifiques. On touche à la complexité chère à Edgar Morin. Et pour un bénéfice énorme !

Consilience

Je pompe Wikipedia, une fois n’est pas coutume :
« Consilience signifiant « Sauter ensemble » est un terme du philosophe William Whewell pour désigner le type de démonstration qui apparaît lorsque de nombreuses sources indépendantes concourent à cerner un phénomène scientifique particulier. La « Consilience de l’induction » est la stratégie qui consiste à coordonner les résultats disparates provenant de diverses sources. »

« C’est l’une des quatre qualités attachées à la science selon Edward Osborne Wilson :
– la parcimonie : moins il y a d’éléments et de processus pour rendre compte d’un phénomène, mieux c’est ;
– la généralité : plus le modèle recouvre de phénomènes, plus il a des chances d’être vrai (ex : le tableau de Mendeleïev) ;
– la prédictibilité : les théories qui durent sont celles qui font des prédictions précises sur beaucoup de phénomènes ;
– la consilience : les éléments et processus d’une discipline donnée qui sont conformes aux connaissances solidement établies dans d’autres disciplines s’avèrent supérieures – dans la pratique et la théorie – à ceux qui ne sont pas conformes. »

J’avais déjà croisé Osborne dans une précédente note de lecture.  C’est lui qui a dit « Le vrai problème de l’humanité est le suivant : nous avons des émotions paléolithiques, des institutions médiévales, et une technologie divine. »

Au final, c’est une lecture un peu longue 402 pages (hors annexes) et parfois un peu laborieuse. J’avoue honteusement avoir sauté des passages. Mais c’est un ouvrage érudit passionnant et qui permet de mieux comprendre comment l’Empire romain s’est effondré.

Pour continuer ces réflexions, je vous propose de venir à la prochaine conférence du Club IES / Inter-Ligere en partenariat avec SindUp : Performance d’entreprise & urgence climatique.

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Jérôme Bondu

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