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Géopolitique

Guerres de religions – guerres économiques

By 2 janvier 2008juin 26th, 2022No Comments
Guerres de religions guerres économiques

On ne compte pas les guerres menées au nom de la foi. Mais une analyse de ces conflits incite à la prudence. On trouve souvent, sous un prétexte religieux, des raisons très « matérielles » : économiques, politiques, sociétales… De fait, interrogeons : Guerres de religions guerres économiques ?

Nous vous proposons un retour sur quelques faits historiques, issus des trois religions monothéistes. D’abord, le Judaïsme, ensuite le Christianisme et enfin l’Islam. Avoir une vision long terme est toujours utile pour juger de l’actualité.

La religion juive et ses conflits de religions

Pour la religion juive, son histoire est jalonnée de conflits. Depuis les déportations en Egypte et à Babylone, les guerres contre les Philistins (mot qui est à l’origine du nom Palestiniens), les Macchabées, les Romains, … jusqu’à l’histoire récente. Cette histoire mouvementée trouve en partie son origine dans l’emplacement géographique où cette religion s’est développée. La Judée était une terre de passage, zone où transitaient toutes les migrations. La Judée était aussi la région de passage de toutes les armées en guerre de la région.

L’antagonisme réel entre les juifs et les musulmans semble présenter les caractères d’un affrontement héréditaire. Néanmoins,  il est très récent (100 ans sur 3 000 ans d’histoire). Les premiers disciples de Mahomet ont razzié les tribus juives de la péninsule arabique. Ce n’est que la continuation de relations conflictuelles entre tribus bédouines de même culture. Razzier une tribu permettait de s’attribuer sa richesse (guerre économique). Y voir le début d’un antagonisme « religieux » relève d’une interprétation erronée et anachronique de l’histoire.

Le Christianisme : Guerres de religions, guerres économiques et sociales ?

Le Christianisme est la religion que nous connaissons le mieux, et donc sur laquelle nous allons de ce fait développer davantage d’exemples.  Pour cette religion la situation est plus complexe. Si à ses débuts, cette religion prêchait la non violence (« si on te frappe sur la joue droite, tend la gauche? ») elle ne fut par la suite pas moins « guerrière » que les autres religions monothéistes. Et pour des raisons ayant largement trait à l’économie. Quelques exemples :

Dès les croisades, des conflits émergent

A partir des croisades (1095) les chrétiens, notamment la branche romaine, entrèrent en conflit autour des lieux saints. Ces croisades avaient pour objectif affiché de sauver Jérusalem des « infidèles ». Dans les faits il y avait à côté de cette volonté « toute religieuse » d’autres bien « temporelles ». Il s’agissait entre autres – de trouver une solution à des modifications sociales et démographiques. Ces modifications sont survenues en Europe et notamment en France. L’incitation à aller en découdre ailleurs avait pour but de vider les campagnes du trop-plein de population (paysans et petite noblesse). Cela en les incitants à aller chercher de nouvelles terres.

Des victimes plurielles

Mais l’islam n’a pas été la seule victime des croisades. Des chrétiens en ont aussi souffert : les orthodoxes. En effet, les croisés mirent à sac Constantinople sur l’instigation de Venise. Pourquoi ? La Sérénissime République était la grande rivale économique de Constantinople. Elle était aussi le bailleur de fonds de cette 4ème croisade. Venise, dont la flotte transportait les croisés, leur a proposé de les transporter « pas cher ». Cela moyennant l’engagement de détruire sa rivale économique au passage ! Cela a laissé à Venise la maîtrise de la méditerranée. Notons qu’en portant le coup de grâce à l’empire romain d’Orient, la Sérénissime République de Venise a aussi facilité l’expansion musulmane vers l’Europe. Ironie du sort, elle devra participer quelques temps plus tard à l’effort de guerre contre l’empire Ottoman. Cela alors qu’elle a indirectement aidé à construire !

Contre les juifs…

Contre les juifs, s’il n’y a pas eu de « guerre » à proprement parler, il y a eu des poussées récurrentes d’antisémitisme. Mais ceci était plus une réaction économique, même si le prétexte utilisé était d’ordre religieux (« les juifs ont tué le Messie »). Les juifs se sont vus interdire la possession de la terre. Par conséquent ils se sont tournés, faute de mieux, vers les métiers du négoce et de l’usure (la banque). Or sous tous les cieux et dans toutes les cultures, dès que l’économie va mal, dès que l’argent manque on incrimine ceux qui le prêtent ! Les juifs ont-ils été les seuls dans ce cas ? Evidemment non. L’ordre des Templiers, véritables banquiers du très endetté roi de France Philippe IV le Bel, a été purement et simplement massacré pour cette raison !

Les guerres de religion au XVIème XVIIème siècles

Un peu plus tard au XVIème et XVIIème siècles un changement opéra. Les principaux motifs des « guerres de religion » (catholiques contre protestants) et de leur cortège d’horreurs furent économiques autant (sinon plus) que religieux. Il faut bien comprendre que, tant du côté catholique que du côté protestant, les fidèles avec leurs flux monétaires (quêtes, dîmes et autres impôts religieux) étaient un élément de survie temporel autant que spirituel.

L’exemple de Luther et de sa réforme

Luther, via sa réforme, a proposé de mettre fin aux « impôts » en tous genres imposés par la papauté. Par exemple la suppression du trafic des indulgences, établi par Jean XXII pour tirer l’église d’une grave crise financière. Quand il fit cela, il a tout simplement mis en danger le catholicisme en le privant d’une de ses sources de revenus. On comprend mieux la lutte acharnée de la hiérarchie catholique contre ces dangereux réformateurs. Les exactions des catholiques contre les protestants en France ont été d’une cruauté absolue (Saint-Barthélemy, système des dragonnades). Sans doute à l’échelle du danger qu’ils représentaient. Cela montre les liens entre Guerres de religions / guerres économiques.

Plus récemment, le lien entre expansion coloniale et christianisme…

Plus récemment, le christianisme s’est trouvé étroitement mêlé à l’expansion coloniale des Etats d’Europe de l’Ouest. Il s’est peu ou prou retrouvé en conflit avec le reste du monde. Le cas de la France au Maghreb, où il n’y a pas eu de volonté de pousser à la conversion au catholicisme, n’est pas représentatif.

La conversion des populations colonisées

En Amérique du Sud, en Afrique et en Asie, les populations colonisées ont été converties en masse par les colons notamment Espagnols et Portugais. Dans un article, nous rappelions la controverse de Valladolid. Cette controverse, durant laquelle les représentants catholiques ont été chargés de statuer sur la nature humaine -ou non- des habitants des pays récemment découverts. Ils se sont posés très sérieusement la question de savoir si les Africains et les Amérindiens avaient une âme !.. Bartholomé de la Casas défendait la thèse que tous les Hommes sur Terre en avait une. Il a réussi à imposer son point de vue pour les Amérindiens. Mais quand il a été question des Africains, les arguments religieux ont été écartés très rapidement pour une « realpolitik » très économique.

Les colons européens du nouveau monde avaient cruellement besoin de main d’œuvre. Les Africains ont donc été déclaré « dénué d’âme », donc plus prosaïquement « bon pour l’esclavage ». Début du commerce triangulaire.

Dans tous ces exemples, l’économie a primé sur la théologie. Cela renforce l’idée d’un lien fort voire une causalité Guerres de religions guerres économiques. Est-ce différent avec l’islam ? Pas vraiment.

La religion musulmane : Guerres de religions, guerres économiques ? Politiques ? Sociales ?

Pour la religion musulmane, dernière religion monothéiste (à ce jour), on retrouve aussi de nombreux conflits. Et là comme dans les autres cas, derrière la foi, se cache souvent ? l’argent. Un nouvel élément illustrant le rapport guerres de religions, guerres économiques.

D’abord, des conflits avec les polythéistes

Cela commence avec les polythéistes de la péninsule arabique et en particulier de La Mecque. L’hégire n’est autre que la fuite de Mahomet devant les marchands de cette ville, polythéistes et hostiles aux implications de son enseignement. Pourquoi cette hostilité ? Les Mecquois voulaient avant tout défendre le pèlerinage institué dans leur ville autour d’une pierre « miraculeuse » (sans doute une météorite, objet d’un culte païen antéislamique). Et cette pierre était le moteur de leur commerce. Le conflit avec le prophète ne se terminera que quand ce dernier acceptera d’intégrer le pèlerinage à La Mecque. Il a intégré cela dans la pratique de l’islam. De plus il a imposé à ses fidèles de se tourner vers cette ville plutôt que vers Jérusalem. Cette ville fut choisie initialement en toute logique, puisque l’islam se veut la continuation du christianisme et du judaïsme.

Les guerres de succession du prophète

De même les guerres de succession du prophète, et la séparation qui s’en est suivie entre sunnites d’Arabie et chiites de Perse, a une origine autant « cultuRelle » que « cultuelle ». La Perse avait une identité et une culture très forte, héritée d’un long passé impérial et d’une civilisation millénaire. Le clergé zoroastrien était très structuré, à l’opposé du nivellement horizontal prôné par la nouvelle religion ou chaque imam est intercesseur entre le monde profane et le monde spirituel et n’a pas de « hiérarchie ». On peut trouver dans le refus du clergé zoroastrien de disparaitre une des raisons des affrontements et de la création du chiisme.

Ces conflits entre musulmans à la mort du Prophète (chiites contre sunnites), se transformeront en guerres de conquête qui ont vu la « vague verte » s’étendre de l’Espagne à l’Indonésie.

La fin du paragraphe précédent a traité de la position du christianisme vis à vis de l’esclavage, avec les choix que vous savez. Par souci d’équité, il faut rappeler qu’en pays d’islam, l’esclavage a toujours été pratiqué sans état d’âme, et sans procès, fut-il « pipé » comme celui de Valladolid. Certaines « tribus » limitrophes de pays d’Afrique noir ont sans complexe participé à la traite des noirs pour le commerce triangulaire.

Au vu de ces nombreux exemples, que pouvons nous en conclure ?

Si on a vu qu’ils y a souvent des revendications économiques, politiques ou sociales dans les conflits d’essence religieuses, n’est-ce le cas que pour les religions monothéistes ? Qu’en est-il du bouddhisme, de l’hindouisme et des autres religions polythéistes, sans oublier cette religion moderne qu’a été le marxisme ? Nous y trouverions à coup sûr les mêmes phénomènes, mais les exemples précités paraissent suffisants. De plus, pour les autres religions, nos connaissances sont plus limitées !

Est-ce qu’il faut pour autant rejeter les religions ?

Certainement pas. Il nous parait important de préciser que nous n’avons pas voulu dénigrer, ni la foi que l’on peut avoir pour telle ou telle religion, ni les principes religieux en eux-mêmes. La foi a poussé à de nombreux moments de l’histoire des Hommes à se relier (racine étymologique du mot religion) pour promouvoir des idéaux pacifiques et généreux, ainsi que des règles d’hygiène précises et fort utiles à l’époque où elles furent édictées.

Rappelons, dans le domaine des idéaux, les tables de la Loi des Hébreux (« tu ne tueras point »), le pacifisme affiché par la religion chrétienne (« Dieu est amour ») ou encore l’aumône, un des « cinq piliers de la foi » islamique. Nous avons simplement voulu soulever un coin du voile, sur les motivations bien temporelle de certaines guerres menées pour des prétextes religieux. Les religions ont souvent été le faux-nez de revendications purement politiques, économiques et sociales, quand ce n’était pas de l’ambition personnelle pure et simple.

La vérité, c’est que quand un individu est dévoré par l’appétit du pouvoir ou de l’argent, ou encore par la haine, il trouve toujours une raison très morale pour justifier son combat personnel et y entraîner ainsi quantités de personnes, pour partie cyniques comme lui, pour partie au coeur pur, éprises d’absolu et un peu naïves. Et quel meilleur véhicule à ces intentions dissimulées que la religion, quand on manie le sophisme avec un peu d’habileté ? Toutes les religions ont vu coexister des idéalistes admirables et des fripouilles sanguinaires, François d’Assise et Bernardo Gui, Vincent de Paul et Savonarole, etc.

Un nouveau regard sur Al-Qaida ?

Et pour finir, cet éclairage peut aider à porter un nouveau regard sur le phénomène Al-Qaida. La religion, l’Islam, même si elle semble être le cœur de l’action de cette entité, pourrait bien n’être en réalité qu’un prétexte à des revendications qui sont de nature politiques, économiques et sociales. L’établissement d’un califat à l’ancienne, le port strict du voile, le respect à la lettre des écrits du coran sont-ils vraiment les buts recherchés ? N’y faut-il pas chercher plutôt une réalité politique : à savoir établir un gouvernement dans une zone du Moyen-Orient (Hedjaz, Irak, ?). Une réalité économique : posséder des richesses pétrolières. Une réalité sociale : surfer sur les mécontentements des populations victimes des régimes autoritaires, souvent déçus du socialisme. Selon certains spécialistes, Al-Qaida ne serait qu’une entité politique. Peut-être serait-il temps de déconnecter cette entité belliqueuse et terroriste d’une religion qui n’a rien demandé !

Ce recadrage ne plairait peut être pas à tout le monde, contrarierait sans doute certains intérêts, mais un milliard de fidèles modérés nous en sauraient gré. Et, en cette période de nouvel an, cela serait certainement un bon départ.

Alain Bondu et Jérôme Bondu

Sur les guerres économiques, la violence et la nature humaine, retrouvez ce billet publié sur notre blog !

Nous avons déjà parlé du procès de Valladolid dans un article sur les maltraitances animales Voir l’article sur NaturaVox.

Crédit image : Massacre De Saint barthélémy

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