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Intelligence Economique

Histoire de l’IE (4/8): Richelieu et Bonaparte

By 11 octobre 2008juillet 2nd, 2022No Comments
Histoire de l'intelligence économique - Cardinal de Richelieu

Jean-Pierre Bernat est intervenu le 23 septembre au Club IES pour une conférence sur l’histoire de l’IE. Il nous a laissé la liberté d’utiliser son texte. Le paragraphe ci-dessous correspond à la quatrième partie sur l’histoire de l’IE (sur 8).

Richelieu et le Père Joseph

Progressons dans le temps pour parvenir vers les années 1600 qui, en France, virent la montée en puissance d’Armand Jean du Plessis plus communément connu sous son titre de Cardinal de Richelieu. Cette irrésistible ascension s’appuya sur deux outils efficaces:

  • d’une part une « brigade de courtisane » (à l’image de ce qui avait merveilleusement fonctionné à Venise) mais ici non pas orientée vers le domaine du commerce mais plutôt vers celui de la politique);
  • et d’autre part grâce à l’établissement d’une « éminence grise« , le fameux Père Joseph.

Né en 1577 dans une vieille famille de robe, François Le Clerc du Tremblay porte le nom de Père Joseph de Paris depuis son entrée chez les frères mineurs capucins en 1599 et son ordination en 1604. Après une éducation très poussée, notamment au collège de Boncourt où il fut le condisciple de Bérulle, un séjour à la cour et une campagne militaire qui le conduisit au siège d’Amiens, il fut introduit par Bérulle dans un des foyers religieux de la capitale, l’hôtel de Mme Acarie, centre d’une effervescence spirituelle qui joua un rôle décisif dans sa rupture avec le monde.

A la fois mystique et homme d’action, il manifesta une activité débordante, organisant des missions dans les provinces de l’Ouest gagnées au calvinisme, réformant l’abbaye de Fontevrault et l’ordre tout entier, fondant en 1606 la Congrégation des filles du Calvaire. Mais sa préoccupation centrale fut la croisade contre les Turcs, qu’il célébra dans un long poème en vers latins, la Turciade. Cette croisade de toute la chrétienté, unie sous les auspices et la direction de la France pour chasser d’Europe le Musulman et reprendre les Lieux Saints, fut le but principal de sa vie publique entre 1616 et 1625, l’amenant à conduire maintes missions diplomatiques et à s’associer au duc de Nevers, héritier des Paléologues, pour lancer une alliance chrétienne. Ce projet échoua, mais l’idée persista sous une autre forme, et la création des missions capucines dans l’Empire ottoman en 1625 marqua le passage de l’action militaire à l’action pacifique de l’apostolat. Dès l’année précédente et jusqu’à sa mort en 1638, il fut le collaborateur attitré de Richelieu et partagea avec lui le pouvoir tout en restant dans l’ombre ce qui lui valut le surnom d’Eminence grise.

En charge principalement de la diplomatie, il s’appuya sur un service de renseignements bien organisé, préparant les projets, conduisant les négociations, intervenant dans les différents épisodes de la « guerre couverte » qui opposait la France aux Habsbourgs dans les années 1620.

Napoléon le battant, battu par sa propre stratégie

La compétition franco-anglaise remonte à des temps anciens. Les conflits armés se doublant de conflits économiques, la guerre était souvent le moyen d’accéder à de nouveaux marchés ou à de nouvelles sources de production. Prenons un exemple : celui du tricotage.

En 1589 un anglais, le pasteur William Lee, invente le premier métier à tricoter mais, ne pouvant obtenir de la reine Elisabeth de privilège pour créer une manufacture, il s’expatrie en France et s’établit avec son frère et six compagnons à Rouen pour développer sous la protection du roi Henri IV cette nouvelle activité. Las, l’assassinat du roi fait rapidement tomber en désuétude ces essais, qui se développèrent outre-manche à un point tel que le gouvernement décida de s’assurer du monopole du tricotage mécanique en interdisant, sous peine de poursuites très sévères l’exportation des métiers. En France, Colbert, convaincu de l’importance de cette technique, envoya secrètement Jean Hindret en Grande-Bretagne, et son espionnage industriel fut efficace puisqu’il rapporta les secrets du métier à bras et que Louis XIV créa en 1656, sa première manufacture française de bonneterie.

Mais ce qui dopa la créativité nationale fut l’opposition généralisée de l’Europe vis-à-vis des visées expansionnistes napoléoniennes. Ces tensions amenèrent les belligérants à générer le fameux blocus continental dont le but était bien évidemment de s’affaiblir mutuellement par un isolement généralisé. Instrument principal de la lutte conduite par Napoléon 1er contre l’Angleterre, le blocus continental amena dans toute l’Europe des perturbations profondes. Bien que son étanchéité n’ait jamais été absolue, il failli ruiner l’économie britannique et provoqua en Angleterre de très graves désordres sociaux. Mais son extension à l’ensemble des pays de l’Europe continentale étant la condition de son efficacité ce fut aussi une des raisons qui entraînèrent l’Empereur à poursuivre sans fin sa politique d’intervention, et qui contribua ainsi à l’effondrement militaire de la France à la suite des deux conflits fatals que furent les guerres d’Espagne et de Russie.

Jean-Pierre Bernat

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Jérôme Bondu

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