Compte rendu de la conférence « Développement de l'IE en France »
Organisée par le Club IES, et animée par Jean-Louis LEVET
CR écrit par Jérôme Bondu
A la lecture de cette conférence organisée il y a plus de 6 ans (15 mars 2001), je m’aperçois que les idées développées sont toujours d’actualité.
Résumé de l'intervention
M. Levet a présenté dans les grandes lignes, le développement, le rôle, et la méthodologie de l’Intelligence Economique :
– Dans une première partie, après avoir rappelé que l’IE n’est pas une pratique nouvelle, il a présenté cette discipline par rapport aux autres outils de management.
– Dans un second point, il a souligné que l’Intelligence Economique prend toute sa place dans notre société actuelle, qui est fondée sur la connaissance.
– Enfin, il a présenté l’IE sous un aspect pratique : méthodologie et principes d’action.
Présentation de l'intervenant (lors de son intervention ? entre temps ses fonctions ont changées)
Jean-Louis Levet est Chef du service du développement technologique et industriel au Commissariat général au Plan. Il est intervenu en tant que président de l’AFDIE. Il est, en outre, initiateur et directeur de la Revue d’Intelligence Economique ; Professeur associé à l’Université de Poitiers ; et responsable du cours d’intelligence économique à l’université de Paris Dauphine. Il est aussi l’auteur de nombreuses publications, dont Sept leçons d’économie à l’usage du citoyen, ed. Seuil, novembre 1999.
M. Levet va diriger la future collection ECONOMICA sur l’Intelligence Economique. Il est l’auteur du premier ouvrage de cette collection : Petit traité d’Intelligence Economique.
Introduction
L’IE est d’abord et avant tout un apprentissage de la modestie, car il s’agit bien d’une recherche de ce que l’on ne connaît pas.
I- L’Intelligence Économique : de quoi parlons-nous ?
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Présentation de l’IE dans une dynamique historique.
L’intelligence économique ne date pas d’aujourd’hui ! A leur époque, Marco Polo, Christophe Colomb et COLBERT ont été de véritables » veilleurs « . Loin d’être une mode, l’IE est un outil indispensable pour acquérir des renseignements et pour orienter la stratégie. L’IE peut être définie comme un travail « d’identification, de traitement, d'interprétation et de diffusion des informations utiles pour éclairer la prise de décision, de façon à orienter les stratégies ».
En France, et à l’époque actuelle, on distingue deux étapes dans l’évolution de l’IE, après le Rapport Martre :
– Jusqu’en 1997 : l’accent était mis sur l’organisation et les techniques de l’I.E.
– Depuis 1997 : (et en partie grâce au travail de l’AFDIE), l’accent est porté sur le rôle de l’apprentissage, de la coordination des systèmes d’information, de l’anticipation.
L’IE est en même temps :
– un mode de pensée : » on ne gagne plus tout seul «
– un mode d’action : » la connaissance doit se PARTAGER et non se protéger « .
Une manière de définir l’IE est de la comparer aux autres outils de management, puisque l’IE relie ces différents outils.
Quelle est la place de l’IE par rapport aux autres outils de management ?
– Et d’abord, quelle est la différence entre » IE » et » veille » ? Premier point, l’IE rassemble les différentes veilles, qui visent chacune essentiellement une observation de l’environnement extérieur (quel que soit le domaine). Mais l’IE va plus loin que la veille. L’IE intègre les connaissances internes de l’entreprise, et surtout considère l’entreprise et son environnement comme un tout. L’entreprise n’est pas face à un » environnement » mais partie intégrante d’un environnement qu’il s’agit de comprendre, avant de le maîtriser. De plus, la veille induit souvent un comportement de » suiveur » et relève d’une logique de soumission. On accepte implicitement d’être un temps en retard ! L’IE, par son action dans la construction des réseaux, agit sur l’environnement, et permet une meilleure anticipation. Elle est pro-active et doit être plus que de l’adaptation.
– Le benchmarking : Il s’agit d’une certaine forme de veille active.
– Le renseignement : Le renseignement utilise indistinctement information blanche (légalement accessible et éthiquement utilisable) et l’information grise voire noire (ni légale, ni éthique). L’IE se distingue radicalement de ces pratiques. Les gisements d’informations blanches suffisent largement à l’information en entreprise. L’information blanche couvre 80% des besoins informationnels en entreprise.
– Le Management des connaissances. La connaissance est un ensemble de savoirs, savoir-faire, et de potentiels d’une organisation. La gestion des connaissances est un outil de l’IE, et est même le » socle de la démarche de l’IE « .
Or notre société est une société de la connaissance. Quelles en sont les principales caractéristiques ?
II- L’économie actuelle, fondée sur la connaissance et l’IE
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Passage d’une société de l’information à une société de la connaissance
L’économie actuelle (la nouvelle économie) est caractérisée par le passage d’une société de l’information à une société de la connaissance. Les différentes étapes de ce passage peuvent être décrites comme suit :
– Diffusion de la net économie.
– Diffusion des technologies de l’information. Caractérisée, par exemple, par l’importance donnée à la connaissance du client (connaître son client pour savoir quoi lui vendre). Caractérisée aussi par un changement de la relation client – fournisseur. A titre d’exemple, avant la grande distribution entretenait des relations conflictuelles avec ses fournisseurs alors que de nos jours elle se situe dans une logique de co-construction de valeur ajoutée.
– Economie fondée sur la connaissance : la croissance n’est plus issue de la production d’un travail physique mais de la production de connaissances. Les leviers et moteurs de la croissance sont : la formation, l’éducation, la recherche.
Quels sont les enseignements à en tirer ?
– Dans une économie fondée sur la connaissance, le client n’est plus face à l’Entreprise mais dans l’entreprise. C’est lui qui va modifier les modes de fonctionnement de l’Entreprise.
– Le changement n’est plus un événement occurenciel, il est devenu une activité économique permanente. Par conséquent l’innovation, c’est-à-dire la capacité permanente à créer et à vendre, est devenue une nécessité.
– L’entreprise est en prise avec son environnement via son réseau, qui agit comme un capteur. Le réseau est devenu l’outil principal de l’IE, et ce de plusieurs façons : le Réseau constitue le lien entre l’entreprise et son environnement (réseaux d’entreprises, d’institutions, etc). La coordination des réseaux assure une bonne connaissance de l’environnement.
– L’entreprise doit évoluer vers une organisation apprenante caractérisée par moins de hiérarchie, plus de souplesse, favoriser le partage, la réactivité et la créativité (à ce titre, on peut résumer cette idée sous la forme » Passer d’une culture du OU à une culture du ET « ).
– Passage, d’une logique d’affrontement, à une logique de complémentarité et d’alliance : » Pour les affronter, je dois coopérer avec eux « . Il y a urgence à développer des pratiques en matière d’affrontement / alliance (concept de la » co-opétition « ).
Autant d’éléments qui guident et orientent la pratique de l’IE.
L’IE, en tant qu’outil de manag
ement, intervient à tous les niveaux :
– levier pour l’innovation,
– outil de construction des réseaux,
– outil de développement d’une organisation apprenante,
– outil de coopération.
Quels en sont les principes d’action ?
III- Fondements méthodologiques et principes d’action
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L’IE n’est donc pas une discipline nouvelle. La nouveauté est qu’elle s’inscrit dans la société de la connaissance. Quels en sont les pratiques et les apports pour l’entreprise ?
L’IE assure quatre fonctions essentielles en entreprise :
– Maîtriser les savoirs et savoir-faire : Il faut à la fois protéger et enrichir les savoirs et savoir-faire. Questions à se poser : Par rapport à nos objectifs, de quelles connaissances avons-nous besoin ? Quelles sont celles que nous devons maîtriser ? Quelles sont celles que nous devons acquérir ? ?
– Identifier et saisir les opportunités, les risques et les menaces. Le risque majeur est l’obsolescence des savoirs et savoir-faire de l’entreprise. Les menaces sont de plusieurs ordres : attaque de l’image de marque de l’entreprise, menaces liées à la délinquance économique et financière mondiale?
– Coordonner les acteurs et les activités de façon à favoriser l’apprentissage collectif et à développer une culture du partage.
– Développer les stratégies d’influence (et non pas de lobbying !) pour peser en amont sur son environnement. Par exemple en agissant sur la définition des normes. La mise en ?uvre de l’IE doit mobiliser l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise.
Les pratiques de l’Intelligence Économique :
Des constats :
– L’IE n’est plus un sujet tabou, car il n’y a plus de confusion avec des pratiques illicites.
– Il y a un début de sensibilisation aux principes de l’IE.
– Il y a une prise de conscience, dans les entreprises, des relations conflictuelles avec leur environnement et de la nécessité de les faire évoluer vers une relation affrontement / coopération.
Des progrès à faire en France :
– Passer de la sensibilisation à la formation à l’IE.
– Passer d’un travail isolé à un travail en réseau, en co-opération, co-opétition?
Des notions importantes à appliquer :
– L’impulsion doit venir de la Direction. Il faut identifier, dans la structure de l’entreprise, une cellule IE qui doit se situer à la plus grande proximité possible de la Direction. Cette cellule doit être impulsée par la Direction, doit être identifiée, et avoir des missions précises.
– Il faut » avoir un raisonnement économique sur l’Intelligence Économique » : donc avoir un budget IE, mener des audits et études, définir des indicateurs simples pour suivre la création de l’information dans l’entreprise, ?
– Enfin -en conclusion- il faut agir avec modestie.
Compte rendu écrit par Jérôme Bondu