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Gestion des risques

CR : Comment penser la défense en république ?

By 1 juillet 2023janvier 13th, 2024No Comments
penser la défense en république

Comment penser la défense en république ? Mercredi 22 mars 2023, l’antenne lilloise du Laboratoire de la République, en partenariat avec Les Engagés, a organisé son deuxième évènement « Penser la Défense en République » à l’Université Catholique de Lille. En voici un compte rendu informel. Je précise que ces notes n’engagent que moi, et en aucun cas les intervenants ou les organisateurs… Je les publie comme un exercice de mémorisation. Sur le sujet de la sécurité informationnelle, on pourra consulter la Formation Sécurité informationnelle et intelligence économique.

La défense en république

La table ronde était composée de trois intervenants :

  • Anne-Pascale GUEDON, représentant l’association Avec les femmes de la Défense et Colonelle de la réserve citoyenne de l’armée de l’air.
  • Michel GUERIN, ancien inspecteur général de la DGSI et Professeur à Sciences Po après avoir travaillé plus de 40 ans dans les services de renseignement.
  • Loïc FINAZ, Vice-Amiral, ancien Directeur de l’École de guerre et Fondateur de la Fondation de la mer.
  • La table ronde était animée par Yaëlle Beckrich déléguée régionale HDF Les Jeunes IHEDN. .

Place de l’espionnage

Michel GUERIN a ouvert le feu :
– Il a rappelé que la collecte d’information est le « plus ancien métier du monde » et une action permanente. Il a fait un rapide panorama des missions de grandes structures d’État : La DGSE est en première ligne pour l’offensif. L’ANSSI est en première ligne pour le défensif. La DGSI a une mission de renseignement, mais aussi de police.
– Snowden a révélé l’étendue de l’espionnage américain, mais les services de renseignement étaient au courant. L’espionnage américain ne s’est pas arrêté avec cette révélation, et continue toujours.
– Le cyber est devenu un espace de conflictualité au sens militaire, comme la terre, la mer, l’air et l’espace … Le cyber sert aussi au niveau des techniques de renseignement, à tous les niveaux : l’approche d’une cible (comme le font les Chinois avec Linkedin), la communication, la désinformation.
– Le cyber recèle deux problèmes majeurs : Le problème de la détection d’une attaque. Et le problème de l’attribution.
– Il a exhorté en conclusion à maîtriser les GAFAM, et à avoir un cloud national. À défaut, il souligne que le cloud de confiance est un moindre mal : c’est-à-dire utiliser la technologie américaine tout en ayant la maîtrise des données.

Engagement citoyen

Loïc FINAZ a développé trois idées sur la guerre :
– La guerre n’est jamais juste. L’expression « guerre juste » est un oxymore. Une guerre est toujours terrible et jamais juste. Tous les dirigeants devraient lire le livre « cercueil de zinc » de Svetlana Alexievitch. Les évolutions des technologies ont donné une force particulière aux belligérants.
– La guerre est multiforme et inclut la manipulation. Par exemple Gazprom a financé les Verts allemands depuis des années. La dépendance allemande aux Russes a été une arme terriblement efficace.
– La réussite de la guerre repose aussi sur l’engagement citoyen. On pense que le militaire accepte de mourir. C’est faux. Il porte la mort dans le camp adverse quand il y a un danger et quand c’est nécessaire. On retrouve dans toute société une séparation des charges : chez les Romains il s’agissait des Oratores, laboratores et bellatores : prier, travailler. Et se battre pour protéger les deux premiers. Ce découpage est au cœur du processus démocratique. Mais cette répartition des charges est vaine quand il n’y a pas de support des citoyens. Et cela s’explique et se transmet. Ainsi, ce qui est raconté aux enfants à l’école est plus important que le budget actuel de la Défense.

Économie de paix à une économie de guerre

Anne-Pascale GUEDON a d’abord évoqué le financement de l’industrie militaire.
– Il y a une vindicte actuelle sur les fonds à impact dont font partie les énergies fossiles, le porno, le tabac et l’industrie militaire ! On s’amuse de voir ces différents éléments ensemble ! Le financement est aussi compliqué, car ce sont des industries duales. À titre d’exemple le programme Ariane n’aurait pas pu être possible sans la filière nucléaire en France. Mais il y a un changement actuel, et on revoit actuellement l’importance d’avoir une économie de défense. Il y a une prise de conscience que nous sommes passés d’une économie de paix à une économie de guerre.
– Elle a ensuite évoqué la place des femmes dans l’industrie de défense. Elle a décrit deux freins : d’abord, il n’y a que 15% des femmes dans les écoles d’ingénieurs. On ne s’étonnera donc pas qu’il soit difficile d’avoir plus de 15% de femmes dans les métiers de la défense, qui puisent largement dans les écoles d’ingénieurs. Ensuite, les carrières linéaires ne font plus rêver les jeunes. L’armée est néanmoins en train d’évoluer.

Culture du renseignement

Michel GUERIN a insisté sur la culture du renseignement.
– Fondamentalement, il y a trois techniques de collecte d’informations. La première méthode est la coopération et l’échange. On échange pratiquement tout dans le domaine du terrorisme. La seule limite étant bien évidemment la protection des sources. Pour le reste, « on n’a pas d’ami, seulement des alliés ». La seconde méthode tient dans la recherche des sources humaines. La troisième méthode est technique. Mais les services qui font du « tout technique » sont inefficaces.
– Il souligne qu’il n’y a pas la même culture du renseignement dans tous les pays.
– La France a une longue et riche histoire. Napoléon disait qu’un espion bien placé valait 20 000 combattants. Mais il y a aussi une vision négative en France. À titre d’exemple le premier dictionnaire de l’Académie française explique que l’espionnage a un métier infâme ! Une explication tient peut-être à ce qu’en France, on aime le panache, à l’opposé des activités masquées.
– Les Américains n’avaient pas de service avant la Seconde Guerre mondiale. Il a été créé avec l’aide des Anglais, et est devenu l’OSS. Puis a été démantelé à la fin de la guerre, avant d’être finalement maintenu et même développé.
– L’Angleterre a une longue histoire notamment avec Walsingham, qui a été un espion redoutable, et a permis à l’Angleterre d’exister au niveau international (à un moment où le Royaume était affaibli).

Raffermir le lien Armée / Nation pour la défense en république

Anne-Pascale GUEDON a souligné durant la phase de questions qu’il y a beaucoup de moyens de raffermir le lien Armée / Nation : L’IHEDN. La réserve citoyenne. Le SNU. Dans l’armée de l’Air, il y a les escadrilles jeunesse.

Loïc FINAZ a évoqué la place de l’Europe en conclusion : L’Europe peut être une puissance d’équilibre. Il faudrait mettre en place les éléments pour une future défense européenne, qui est pour l’instant illusoire. Le plus grand drame du Brexit est la sortie de l’Angleterre de l’Europe, car c’est un pays qui comprenait le rôle de la défense. Le tandem franco-anglais aurait pu être le moteur de cette dynamique.

Une phrase à méditer : La force sans volonté de s’en servir est une faiblesse.
Cette conférence était très intéressante.

Jérôme Bondu

Comment penser la défense en république ? Organisé par l’antenne lilloise du Laboratoire de la République, en partenariat avec Les Engagés.

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