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Gestion des risques

A lire : Renseignement et espionnage – Renaissance & Révolution

By 2 juillet 2022août 29th, 2023No Comments
renseignement et espionnage

Je recommande « Renseignement et espionnage de la renaissance à la révolution » du XVe – XVIIIe siècle. Edité par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement, sous la direction d’Eric Denécé et Benoit Léthenet. Cet ouvrage fait suite à une première publication « Renseignement et espionnage de l’antiquité au Moyen Âge« . Pour être tout à fait franc, je n’ai pas lu l’intégralité des 500 pages de ce second volume. Certains articles sont très pointus, et je me suis concentré sur certaines périodes historiques. Cette note de lecture n’a donc rien d’exhaustif et ne reflète que mes inclinations.

Permanence du renseignement et espionnage français

La préface d’Yves Bonnet nous rappelle entre autres la place singulière de Colbert, principal ministre de Louis XIV, dans la mise en place d’un espionnage économique de grande ampleur.

J’ai retenu notamment de l’article d’Eric Denécé le rôle du père Joseph. Le capucin au service de Richelieu, principal ministre de Louis XIII, était le chef d’orchestre de l’action clandestine et certainement un des hommes « les mieux renseignés de son temps ». Sous Louis V, on retient facilement la figure du chevalier d’Eon. Sous Louis XVI ce sera Beaumarchais.
Denécé explique « Ainsi, fait généralement méconnu, de Louis XI à Talleyrand existe donc bien une véritable permanence du renseignement français, situation qui n’a rien à envier à celle de nos voisins italiens, espagnols ou britanniques ».

L’article de Michel Klein participe aussi à placer de grands jalons dans l’histoire du renseignement. Il rapporte notamment l’usage par les Doges de Venise de femmes qui « usent abondamment de leur pouvoir de séduction auprès des grands notables ».

Panorama des pratiques de renseignement et d’espionnage

Voltaire et le secret du roi

L’article sur « Voltaire et le secret du roi » est passionnant en plus d’être magnifiquement écrit par Gilles Perrault. L’écrivain explique le rôle méconnu joué par Voltaire dans l’espionnage de plusieurs États européens et notamment du roi de Prusse. Voltaire rejoint ainsi Beaumarchais au rang des écrivains-espions.

Percer les secrets de la Sublime Porte

L’article de Gaël Pilorget sur l’espionnage dans l’Empire ottoman par l’Espagne est riche de mille anecdotes. Il présente la diversité des acteurs et des méthodes utilisées. Par exemple on lit p270 qu’un des codes utilisés pour se reconnaitre entre espions était … de se mordre l’oreille. Il rappelle aussi le rôle de Cervantès, et la reprise par l’écrivain de certaines scènes vécues dans ses ouvrages. L’auteur met en scène l’étranglement d’un certain Picaro qui correspond à un fait historique. Picaro sera par la suite utilisé pour nommer le genre littéraire si bien illustré par Cervantès et donnera le mot « picaresque ».

Sir Francis Walsingham

Des personnages émergent comme Sir Francis Walsingham (1532 – 1590) spymaster de la reine Élisabeth 1. Cet article très intéressant est signé Pascale Drouet. Francis Walsingham est présenté comme un maitre-espion exceptionnel. Il a déjoué plusieurs conjurations (complot Throckmorton et le « bond association », complot Babington). Mais son coup de maitre est d’avoir participé de manière très directe à la défaite de l’Invincible Armada espagnole.

Francis Bacon

L’article intitulé « Les marchands de lumière de la renaissance élisabéthaine : comment le renseignement nourrit l’innovation ? » met en lumière Francis Bacon. L’article est écrit par Yves-Michel Marti ! Bien connu des anciens de l’Intelligence économique, Yves-Michel est l’auteur d’un livre phare et précurseur de l’intelligence économique « L’intelligence économique : les yeux et les oreilles de l’entreprise » 1995. Ce livre a été éclairant pour moi comme pour de nombreux professionnels en herbe de ma génération. L’article Wikipedia d’Yves-Michel Marti rappel qu’il a reçu le prix du meilleur ouvrage européen de management par le journal Financial Times !!

J’avais notamment eu l’occasion de l’entendre lors d’un colloque à l’IAE de Paris (lire le compte rendu). Yves-Michel Marti a fait partie des précurseurs méconnus de la FEPIE, à une époque où nous étions à peine cinq ou six (avec Pierre Fuzeau) à nous réunir pour envisager la création d’une association représentative. Nous étions vers les années 2004. Elle verra le jour en 2006 sous la présidence de l’amiral Lacoste. Puis sera présidée par Jean-Bernard Pinatel et Hervé Seveno. C’est une époque où le gouvernement voudra orienter la structuration de la profession, et enverra Alain Bauer, conseiller sécurité de Nicolas Sarkozy, porter la voie de l’État. J’ai profité de croiser M. Bauer à plusieurs réunions du Synfie pour l’inviter en 2008 au Club IES. La Fépie sera en 2010 muée en Synfie. Ma contribution au Synfie est depuis plusieurs années en pause, mais en tant que représentant Nord de la France, j’ai promis l’organisation d’un événement dans les 6 mois à venir sur Lille. Pour revenir au très bon article d’Yves-Michel, il présente longuement l’incroyable Francis Bacon, tout à la fois savant, juriste, espion…

John Dee

Yves-Michel Marti est aussi l’auteur d’un second article intitulé « Le renseignement scientifique et technologique à l’époque élisabéthaine ». Il présente comment l’Angleterre de l’époque a comblé son retard sur de nombreux points : cartographie, techniques de navigation, architecture navale, métallurgie… Les méthodes utilisées par la perfide Albion couvrent un large spectre : cela commence comme toute mission d’intelligence économique en entreprise, par un plan de renseignement. On compte parmi les méthodes de collecte : achats d’ouvrages étrangers, de produits ou d’informations, visites professionnelles à l’étranger, rapport d’étonnement, formation à l’étranger, échange/troc d’informations, utilisation des réseaux relationnels, recrutements ou enlèvement d’experts étrangers ou chez les concurrents, techniques d’interview (élicitation), réalisation de profil psychologique des cibles, vol d’information, désinformation… On y apprend au passage qu’un des espions de l’époque John Dee (1527-1608) signait ses lettres à la reine 007 … Le double zéro représentant des yeux. Le chiffre 7 représentant une forme de complétude. En clair, John Dee disait tout à la reine, et rien qu’à elle. Ce serait l’origine de célèbre matricule de James Bond.

Renseignement et espionnage en Inde

Julie Descarpenterie nous promène en Inde entre le XIIIème siècle et la colonisation britannique. Déjà dans le premier tome sur le renseignement, l’article sur l’Inde nous avait révélé des pratiques très anciennes et bien ancrées. Cela nous avait quelque peu rafraîchis de la sempiternelle référence à SunTzu comme figure tutélaire.

Les services secrets tenus par les eunuques

« Le contrôle des services secrets par les eunuques sous la dynastie Ming » clôture le livre, et plante un décor invraisemblable (à nos yeux d’Européens) d’une armée d’émasculés tenant en partie les reines de l’administration et luttant parfois ouvertement (c’est-à-dire à coup de massacres) contre les mandarins. L’article de François-Yves Damon mérite un détour.

D’autres articles sont bien sûr très intéressants, ma sélection est arbitraire. L’ouvrage est à lire pour avoir un panorama des pratiques de renseignement et espionnage.

Bonne lecture
Jérôme Bondu

N’hésitez pas à consulter mes autres conseils de lecture :

A lire : Conseils de lecture en intelligence économique (billet 1 sur 5)

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