J’ai lu le livre d’entretien entre Yves Bertrand, dernier patron des RG, et Frédéric Ploquin, journaliste d’investigation « Ce que je n’ai pas dit dans mes carnets ». Le livre a été édité en 2009. Il date donc un peu … Mais cette lecture est néanmoins intéressante.
Yves Bertrand
Quelques mots sur Yves Bertrand piochés sur sa fiche Wikipedia :
« Remarqué par le président François Mitterrand pour avoir réussi à prédire au point près le résultat du référendum sur le traité de Maastricht, le président le nomme directeur central des RG en 1992, poste qu’il conserve jusqu’en 2003. Il collabore étroitement aux enquêtes menant à l’arrestation des membres d’Action directe et de Khaled Kelkal. »
Yves Bertrand est bien évidemment un personnage sulfureux. On lit plus loin :
« Yves Bertrand menant des activités d’espionnage vis-à-vis du Premier ministre Lionel Jospin durant la Troisième cohabitation au profit du président Jacques Chirac, Lionel Jospin essaie de le limoger. Jacques Chirac s’y oppose, et Yves Bertrand conserve son poste. »
Notez que ce que Wikipedia présente comme une affirmation est nié par l’intéressé dans son livre.
Renseignements généraux
L’ouvrage permet de rentrer dans les arcanes des renseignements généraux. Yves Bertrand évoque son métier, les informateurs, les journalistes … Il parle de ses chefs et des ministres de l’intérieur successifs, des présidents qu’il a servis. Il parle des écoutes, des corbeaux, des Corses, de l’affaire Clearstream, de son limogeage, du droit, de l’éthique … Quand on ne connait pas ce domaine, cela permet de se déniaiser. On peut néanmoins regretter quelques redites, et qu’il n’y ait pas de recul critique sur ce qu’Yves Bertrand explique. Frédéric Ploquin ne le contredit pas. Au mieux il lui demande des éclaircissements sur des points litigieux ou polémiques.
Je ne vais prendre que deux extraits du livre.
Sources humaines
Un premier durant lequel il fait l’éloge de la source humaine. Alors que l’on ne parle que d’intelligence artificielle et d’informatique en ce moment, ce flic à l’ancienne rappelle l’importance de l’humain. Cela permet de prendre un peu de recul :
« On a essayé de renoncer aux sources humaines parce qu’on s’en méfiait. On a testé le modèle allemand, qui consiste à mettre des ordinateurs partout. À chaque fois, on a échoué (…). La source humaine est non seulement plus économique, mais elle est aussi plus efficace ».
Intelligence économique
Dans l’extrait qui suit, Yves Bertrand montre sa parfaite méconnaissance de l’intelligence économique. Le livre a été édité en 2009, donc écrit en 2008. A cette époque Alain Juillet avait déjà fait un sacré travail de communication sur l’IE. Et pourtant, cela n’empêche pas Yves Bertrand d’avoir une vision totalement biaisée de la profession :
« La rumeur est aussi une arme économique. (…) On appelle cela « l’intelligence économique », mais il y a trop de noblesse dans ce vocable pour qu’il recouvre de pareils agissements. L’intelligence économique n’est souvent que l’art de déstabiliser un concurrent. C’est aussi un domaine où foisonnent les imposteurs. On se cache derrière l’intelligence économique pour espionner un rival et lui piquer ses brevets. On vend très cher à ses clients des informations que chacun peut trouver sur internet » … Aïe ! Visiblement, il n’a pas bien été sensibilisé au domaine 🙂
RG et DST
En 2007, je m’étais déjà fait l’écho sur mon blog d’un article de Bauer et Rocard qui annonçait des modifications dans l’organisation du renseignement policier en France. Un an après l’article, les RG et la DST allaient fusionner en 2008 pour former la DGSI.
Sur le même sujet, on pourra lire ma note de lecture du livre de David Defendi « L’arme à gauche » qui présente le travail d’infiltration de la Gauche Prolétarienne par la DST.
Bernard Besson a été un acteur important dans le domaine de l’intelligence économique en France. Il a été chef de cabinet du directeur central des renseignements généraux et sous-directeur des courses et jeux. Il est aussi auteur de nombreux livres policier à succès dont : Greenland, Chien Rouge, Main basse sur l’Occident.
« Ce que je n’ai pas dit dans mes carnets » d’Yves Bertrand est édité chez Fayard en 2009.
Jérôme Bondu