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Influence

CR : Influence et manipulation du marché de l’art

By 1 mars 2024No Comments
manipulation du marché de l’art

J’ai eu le plaisir d’animer une conférence dans le cadre de l’atelier du laboratoire Larequoi sur le thème « réseau et manipulation » (21 novembre 2023). Cet atelier était organisé et animé par Christophe Assens. Avant mon intervention, j’ai eu l’occasion d’écouter la conférence passionnante d’Aude de Kerros sur la manipulation du marché de l’art.

Aude de Kerros est une peintre, graveur, critique d’art et essayiste française. Comme essayiste, elle participe notamment au décryptage et à l’analyse du monde de l’art. Elle est auteur de « l’Art caché enfin dévoilé ».

Il y a beaucoup d’articles sur ce blog sur les thèmes de l’influence et de la manipulation, mais surtout sous un angle géopolitique. On pourra écouter la dernière interview avec Alain Juillet. Ce qui m’a passionné dans la conférence de Mme de Kerros réside dans l’analyse des manipulations du marché de l’art. Voici un compte rendu personnel, qui évidemment n’engage que moi. Comme l’art n’est pas mon domaine de compétences, désolé par avance pour les approximations et imprécisions.

Influence et manipulation du marché de l’art

La démonstration de Mme de Kerros est que nos amis américains ont eu pour but de détruire la place artistique de Paris. Son argumentaire est chronologique. Reprenons les différentes étapes de cette manipulation du marché de l’art.

1950 : manipulation du marché de l’art et attaque de la place de Paris

Première étape dans la manipulation du marché de l’art : Nos « amis américains » ont voulu remplacer la place artistique de Paris. Comment ?
– Ils ont d’abord cherché une forme artistique inédite et maitrisable. Une sorte de nouvelle avant-garde. C’est l’origine du mouvement des « nouveaux réalismes ». Il s’agit d’un courant conceptuel, qui place au second plan la production physique (peinture, sculpture …) et valorisa au premier plan « le concept ». La réalisation est secondaire. Et donc la production peut être industrialisée.
– Les Américains ont créé des « réseaux fermés de consécration de la valeur ». Pour faire simple, il s’agissait de maitriser les différentes étapes de la « chaine de valeur » : création, vente, courtage … Ils ont obtenu le support des grands musées, grands journaux américains… pour accélérer le processus de création d’un artiste coté.
– Avant cela, et pour être caricatural, un artiste était d’abord acheté par de grands collectionneurs. Puis seulement ensuite, il était exposé dans les musées. Devenir un artiste de premier plan prenait une vie entière.
– Les Américains ont inversé le processus. Ils ont fait acheter par les musées les acteurs du « nouveaux réalismes », qui ont vu ainsi leur côte monter, avant d’être achetés par les grands collectionneurs.

Années 1970 : instrumentalisation de « art contemporain »

– Il fallait trouver un nom générique pour ce mouvement. Le choix s’est porté sur l’expression « art contemporain ». En 20 ans, toutes les autres formes d’art qui n’étaient pas labellisées « art contemporain » étaient ringardisées. La place de Paris s’est ainsi retrouvée marginalisée.
– Autant dire que Mme de Kerros n’aime pas « l’art contemporain ». Je la cite : « La médiocrité aime l’art contemporain. On n’est pas jugé dans l’art contemporain. Ce qui est jugé c’est le concept ». Les promoteurs de « l’art contemporain » ont voulu faire passer ce mouvement pour le tout ! Or ce n’est qu’un mouvement minime dans le paysage global de l’art mondial.
– Se faisant, la diversité des galeries parisiennes s’est retrouvée balayée par le système des grandes foires qui vont mettre en avant cet « art contemporain ».
– Il y a eu aussi une « utilisation » des intellectuels de gauche. Ils ont été invités dans les universités américaines. Et sont devenus selon les mots de Mme de Kerros les « fous du roi rémunérés ». (NB : on pourra lire sur ce sujet l’article du Figaro « L’art américain, soft power» de la CIA »
– Le domaine de l’art s’est ainsi polarisé. Le monde de l’art est devenu une guerre de tranchées entre les tenants de « l’art contemporain » et les autres.

Années 1980 : disparition de la place de Paris

– L’art est devenu un objet de spéculation, et a été financiarisé, via une intégration au système de financement des retraites américaines.
– Cette période a aussi vu une décision majeure, qui selon Mme de Kerros, a fini de tuer la place de Paris : le ministère de la Culture français est devenu un ministère de la création (à partir de 1983/84). Cela a permis une institutionnalisation de l’art en France, avec la promotion de l’art contemporain. Art dont le marché était évidemment décidé à New York.

Années 1990 : financiarisation de l’art

– Cette période a vu une augmentation de la financiarisation de l’art. L’avantage était que ce marché était plus libre que d’autres marchés financiers. Moins régulé, moins de contraintes. Plus facilement manipulable.
– Cela a fonctionné, puisqu’il y a déjà eu deux krachs boursiers en 2002 et 2008, mais qui n’ont pas touché le monde de l’art.
– Les grandes maisons de vente d’objets d’art ont créé des implantations dans toutes les grandes places où il y avait des millionnaires. Il était ainsi plus simple et plus rapide de créer de toute pièce des artistes côtés. La chaine de création de valeur est gérée de bout en bout : artistes, maisons, foires, institutions (musées, médias), ports francs …

2008 : émergence de la Chine

– En 2008, même si le marché de l’art contemporain n’a pas chuté, il y a eu un début de méfiance. Chaque grand État a voulu avoir une meilleure maitrise de sa gouvernance, y compris dans le domaine de l’art. Au premier rang de ce mouvement, on retrouve la Chine.
– Ainsi depuis 2009, l’Empire du Milieu est passé en tête du marché de l’art (devant Paris, puis devant New York). Les Chinois ont succombé à l’art contemporain, mais ont aussi acheté de la peinture européenne. Cela a redonné des couleurs aux autres mouvements artistiques.
– La révolution numérique a aussi joué un rôle dans le regain de visibilité des « non contemporains ». Avec la démocratisation du web (depuis 2005) les artistes ont pu mettre leurs productions en ligne. Cela a permis de redonner de la visibilité à des articles « oubliés ».

Conclusion

Selon Mme de Kerros, l’hégémonie de l’art contemporain est du passé. Le monde est devenu international, avec un refus des pays non occidentaux de voir un mouvement leur être imposé. On peut imaginer que l’irruption de l’intelligence artificielle change encore la situation.

Cette conférence sur la manipulation du marché de l’art était très intéressante !

Quelques sources pour aller plus loin

– Site d’Aude de Kerros.
– Son dernier livre : Art contemporain, manipulation et géopolitique.
Art contemporain, manipulation et géopolitique.

N’hésitez pas à consulter les formations sur le thème de l’influence :

I1 – Formation Lobbying, influence et cartographie décisionnelle.
I2 – Formation Gérer les rumeurs et les crises sur Internet.
I3-  Formation Développer son réseau relationnel.
I4-  Formation Développer son réseau relationnel et se former au langage non verbal.
I5-  Formation Stratégie de communication dans les médias sociaux.

Jérôme Bondu

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