J’ai lu les 108 pages du dossier du Canard enchaîné # Vie privée c’est terminé !
Mon avis
– D’un côté, on y apprend beaucoup de choses, même quand on grenouille dans le domaine comme moi depuis quelques temps.
– De l’autre, je suis personnellement toujours gêné par ce penchant chez le palmipède de critiquer tout et son contraire. D’un article à l’autre, il peut critiquer le manque d’efficacité de l’Etat à traiter les données numériques, puis critiquer l’appel à des sociétés privées pour l’aider dans cette tâche, puis râler sur les sommes dépensées pour ce faire, et parallèlement fustiger son inaction. Puis, plus loin, critiquer le manque de moyens alloués par Macron à l’intelligence artificielle. Puis critiquer la mise à disposition des données détenues par les entreprises publiques dans une démarche d’opendata. Bref, critiquer tout en vrac, pourvu qu’il y ait une critique. Je trouve que la satire a ses limites et qu’à un moment il faut construire. Mais peut-être que le dossier n’est pas fait pour être lu quasiment d’une traite comme je l’ai fait. On y voit trop les incohérences d’un article à l’autre…
Révélations
Bon ceci étant dit, et pour revenir sur des choses plus positives, on y apprend quand même des choses terriblement intéressantes. Petit florilège ce qui a retenu mon attention :
– Dans un article « La télé vous regarde » j’ai appris que Facebook a déposé un brevet hallucinant. L’idée est que pendant les pubs télé, un son inaudible pour l’Homme déclenche le micro du smartphone du téléspectateur pour enregistrer sa conversation. Histoire de connaître les commentaires devant les pubs…
– Dans l’article « Le droit à l’oubli éternel » on peut lire que des starts-up de la « dead tech » ont entrepris (…) de sauvegarder les connexions neuronales du cerveau pour qu’un esprit désincarné puisse survivre à la déchéance du corps ». J’avais déjà repéré ce genre d’info. Je vois que le sujet est toujours d’actualité.
– L’article « Infos et usage d’info » m’a rappelé que Google Analytics a une part de marché de 80%. En plus des 92% dans la recherche (Google search) et des 80% dans les systèmes d’exploitation des ordiphones (Android) … cela fait beaucoup de monopoles vous ne trouvez pas ? Et tout le monde trouve cela normal …
Brokers de données
– J’ai bien aimé le focus sur les « brokers de données » comme Infogroup, Experian, Quantum, Epsilon, CoreLogic, Recorded Future, Datalogix, Inome, PeekYou, … qui commercialisent les données personnelles. Cambridge Analytica se serait autant alimenté avec ces brokers qu’avec Facebook. Cela permet, non pas de relativiser le rôle de Facebook, mais d’élargir la cible des investigations.
– J’ai bien aimé aussi la dénonciation du lobbying des GAFAM à Bruxelles et la présentation des fausses ONG qui ne sont que des écrans de fumé derrière lesquelles les géants de la tech se cachent.
– Le contrat passé par la Défense pour utiliser Microsoft se monte à 120 millions, et s’est fait en dehors (semble-t-il) de toutes les règles des marchés publics (page 64). Alors qu’il y avait en interne des promoteurs du libre.
Ils n’ont peur de rien
Parfois, on aimerait en savoir plus. Comme dans le cas de ces deux assertions :
– Page 46, on apprend que Facebook connait même « les écrans se trouvant à proximité du vôtre » … Là ça m’a laissé sans voix. L’article ne va pas plus loin. Quelqu’un peut m’en dire plus ?
– Sur la dénonciation du fichage par la Chine (système de crédit social) l’article page 56 explique que « plusieurs pays européens ont déjà commencé à tester ce type de système ». OK mais lesquelles ? Il ne fallait pas s’arrêter là, on aimerait creuser le sujet.
Bref, le dossier « Vie privée c’est terminé » est à lire … Malgré mes remarques liminaires, c’est un beau travail !
Jérôme Bondu
Pour en savoir plus sur les GAFAM :
– Quel est le problème avec les GAFAM ? Entretien avec Idriss Aberkane sur la souveraineté numérique.
– Cartographie des ouvrages sur les GAFAM.
– Article d’Usbek & Rica : « Pourquoi il faut se défendre face aux GAFAM ».
– A litre : Les GAFAM contre l’internet, de Nikos Smyrnaios.
– Cartographie des acteurs de la souveraineté numérique.