J’ai relu durant ces vacances Persépolis de Marjane Satrapi. J’ai adoré cette bande dessinée qui présente l’Iran avec beaucoup de sensibilité. Mon intérêt pour l’Iran est ancien : J’avais déjà écrit en 2007 sur le film d’animation de Marjane Satrapi. Et en 2009, j’avais organisé une conférence dans le cadre du Club IES sur le thème : « Analyse de l’Iran – entre fantasmes et réalités ». Cette conférence était animée par François Nicoullaud. (Voir aussi son interview, une note de lecture de son livre « Le turban et la rose » et le compte rendu de sa conférence au Club des Vigilants). Je me suis replongé ces vacances dans l’Iran suite à la lecture du livre de Pierre Razoux « La guerre Iran-Irak 1980 – 1988 » qui fera l’objet d’une prochaine publication dans ce blog.
Persépolis de Marjane Satrapi
Dans Persépolis, Marjane Satrapi revient sur tous les événements qui ont jalonné son enfance et sa vie de jeune adulte. C’est un BD autobiographique.
Révolution confisquée
Persépolis de Marjane Satrapi est l’histoire d’une famille, très aisée et d’essence aristocratique, dans le Téhéran des années 80. Sa famille est cultivée et libre-penseuse. Elle est l’image inversée d’un pays qui sombre petit à petit dans la dictature théologique chiite. L’autrice rappelle que la révolution populaire qui a chassé le chah a ensuite été confisquée par les mollahs. Ces derniers ont fait ensuite table rase des autres composantes de la société : les révolutionnaires, les communistes très présents dans le pays à l’époque, les minorités (Kurdes, Baloutches), les intellectuels, puis finalement l’ensemble de la population a subi la férule des gardiens de la révolution. Elle présente la jeunesse dorée de Téhéran qui était obligée, le jour, de respecter des règles carcérales. Et qui le soir à l’abri de leur foyer pouvait boire de l’alcool, rire, draguer. Dichotomie schizophrénique.
Clés du paradis
Une partie du pays était néanmoins acquise au régime des mollahs. Dans Persépolis, Marjane Satrapi n’y va pas par quatre chemins pour qualifier cette partie de la société : c’est la population pieuse et analphabète, donc naïve et manipulable. L’histoire des clés du paradis illustre parfaitement son propos : une des armes de l’Iran en guerre contre l’Irak était sa démographie. Contre les chars et l’armement irakien, les mollahs avaient le nombre, la population. Les mollahs ont ainsi sacrifié des dizaines de milliers d’enfants, fanatisés par le régime. Ces enfants étaient emmenés sur les zones de combat, et devaient sortir en premier des tranchés et « déminer » les terrains, submerger par leur nombre les soldats irakiens, et faciliter la montée des combattants iraniens. Ils n’étaient pas toujours armés. Souvent, ils étaient fauchés par les mitrailleuses irakiennes. Marjane illustre aussi bien que faire se peut ces atrocités. On voit cet épisode funeste dans son film d’animation Persépolis à 8min45. Pour fanatiser ces jeunes, on leur offrait une clé en plastique. Cette clé était censée leur ouvrir grand les portes du paradis le jour de leur martyre, et leur apporter tout ce qui vient avec : les vierges et le reste…
Imam Khomeini
J’ai été intrigué par une absence. Un creux. Un vide sidéral : L’absence ahurissante de l’imam Khomeini ! Pas un dessin, pas une ligne dans le Persépolis de Marjane Satrapi. En revanche, la police des mœurs est omniprésente. Stupide à souhait, méchante, intolérante et corrompue.
L’imam Khomeini a toujours refusé les offres de paix de Saddam Hussein. Et Marjane Satrapi souligne que la survie du régime des mollahs dépendait de la prolongation de la guerre contre l’Irak. Guerre qui a permis aux mollahs de mettre un couvercle sur les aspirations de la société iranienne.
C’est une BD édifiante ! Pour continuer sur le sujet, lire la note de lecture du livre de Pierre Razoux « La guerre Iran-Irak 1980 – 1988″
NB : Bien sûr, nous avons tous une pensée pour les victimes de l’attentat d’hier, et pour tous ceux atteints par le terrorisme.
Persépolis de Marjane Satrapi est édité par L’Association.
Jérôme Bondu