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Gestion des connaissances

À lire : La nouvelle servitude volontaire. Philippe Vion-Dury (2/4)

By 23 février 2023novembre 5th, 2023No Comments
Nouvelle servitude volontaire

J’ai lu « La nouvelle servitude volontaire » sous-titré « Enquête sur le projet politique de la Silicon Valley » de Philippe Vion-Dury.

Nouvelle servitude volontaire

Le livre est édité chez FYP. Le livre se présente comme une enquête qui « révèle comment les géants du web influencent et contrôlent notre comportement ». Lire la première  note.  Philippe Vion-Dury est journaliste, rédacteur en chef de Socialter.

Cette note est en quatre parties :
– I : Une réalité intégralement personnalisée
– II : Les écosystèmes de manipulation
– III : La machine à gouverner
– IV : La société de contrôle intégral

Chapitre II : Les écosystèmes de manipulation

« La personnalisation est un projet qui ne peut se concrétiser qu’au prix d’une certaine mutilation de la réalité. Celle-ci n’est perçue par l’individu au travers de filtres, tandis que le réel lui-même et appauvri par les forces d’arasement de la normalisation marchande. »

1— Tous cobayes

Dans ce meilleur des mondes, tous les internautes deviennent cobayes. On connait maintenant bien l’opération de manipulation de 700 000 comptes Facebook pour mesurer la contagion émotionnelle. On connait moins l’opération « The formation of love » qui permet de détecter les relations amoureuses entre deux Facebookiens. D’autres opérations ont permis de mesurer l’influence de Facebook sur les votes, ou le don d’organes. Facebook n’est pas le seul. Une étude de 2015 menée par Robert Epstein a démontré la capacité de manipulation de Google.

2— Gagner les élections : une affaire de technologie ?

Et si ces manipulations sortaient du domaine marchand pour aller sur le terrain politique : Il est évident que l’influence de Google sur le vote ne peut laisser indifférent. Des campagnes « data-driven » vont ainsi se déployer. Selon l’auteur « cet électoralisme assisté algorithmiquement signe une nouvelle étape dans la mort programmée du politique ».

3— La main invisible des assureurs

Après les exemples du politique, Philippe Vion-Dury explique pourquoi le secteur de l’assurance va être très fortement impacté. (J’en parle souvent dans mes conférences et formations en veille et intelligence économique. Cet exemple m’a donc tout particulièrement intéressé). Cela mérite une présentation détaillée : « L’évolution rapide des technologies actuarielles au cœur de l’assurance nous mène en effet tout droit vers une double rupture paradigmatique : du préventif vers le prédictif ; de la mutualisation du risque versant individualisation » ! L’auteur présente (p107) les initiatives dans ce domaine. Google « toujours dans sa logique de contrôle de l’ensemble des maillons de la chaîne, a également déboursé près de 50 milliards de dollars pour le rachat d’une quarantaine de start-ups spécialisées dans le milieu assurantiel ».

Derrière la transparence, la surveillance

L’auteur va plus loin : « Se profile derrière cet hygiénisme et ses bienfaits de façade une nouvelle forme particulièrement efficace de « discipline » au sens que lui a donné Foucault dans les années 70 (…) derrière la transparence, la surveillance ; derrière la gratification, la sanction ; derrière l’individualisation, la normalisation ». Aurons-nous toujours le choix ? « Aux États-Unis, certaines mutuelles font payer 30% plus cher les employés d’entreprises partenaires qui n’ont pas accepté de se soumettre à cette observation constante dans le cadre des programmes de bien-être » ! Bigre ! Et l’auteur manie les belles formules : « Lorsque la transparence (asymétrique) supplante la confiance (réciproque), tout ce qui reste en dehors de la lumière ne peut être que suspect. La surveillance devient la condition de la confiance, ce qui l’annule ».

4— Le nudge : un écosystème de manipulation

Philippe Vion-Dury avance qu’il n’y aura pas de contrainte dans ce domaine, mais simplement persuasion et influence sociale. Ces technologies « forment progressivement un véritable écosystème de la manipulation ». Finalement l’Homme connecté serait plus « conditionné qu’émancipé ». Et il s’appuie sur les travaux de Skinner qui a défini le « conditionnement opérant ». « Ce rêve d’une prise en charge totale des individus n’est nulle part mieux incarné que chez Google (…) Son ambition ultime est de proposer un assistant personnel qui vous guiderait dans toutes vos tâches, toutes vos décisions, tous vos problèmes ». « L’idéologie de la Silicon Valley, le rêve de la société numérique telle qu’elle se dessine aujourd’hui, c’est le gouvernement des Hommes par les calculs, la machine à gouverner ».

Skinner et la psychologie comportementale

J’évoque régulièrement l’expérience de Skinner et les parallèles avec internet, notamment :
– dans la note de lecture de « La civilisation du poisson rouge » de Bruno Patino,
– dans « Les maîtres de la manipulation » de David Colon,
– enfin dans « Internet rend-il bête ? » De Nicholas Carr.

Suite de ma note de lecture :

– I : Une réalité intégralement personnalisée
– II : Les écosystèmes de manipulation
– III : La machine à gouverner
– IV : La société de contrôle intégral

Bonne lecture !

Jérôme Bondu

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