J’ai lu « La Chine ou le réveil du guerrier économique » d’Ali Laïdi. Ce livre est une description et analyse de la guerre économique menée par la Chine. On y découvre un portrait du guerrier économique chinois.
Cette note de lecture est divisée en trois parties :
- Le guerrier économique chinois.
- Les armes économiques chinoises.
- L’hégémonie économique chinoise.
Le guerrier économique chinois
Comme dans chaque ouvrage d’Ali Laïdi, on trouve un mélange d’érudition et d’analyse critique, une écriture souple et didactique. C’est un régal.
Je vous recommande les notes de lecture de ses précédents ouvrages :
– Histoire mondiale du protectionnisme.
– Le droit nouvelle arme de guerre économique.
– Ainsi que la vidéo de sa conférence au Club IES sur la Guerre Economique Mondiale.
Son dernier livre est une démonstration de la volonté chinoise de devenir la première puissance économique du monde. Ali détaille les rouages, étapes, vecteurs de cette volonté. Je reprends ci-dessous le plan du livre. Chaque titre est entre guillemets, tout comme les citations. J’y ajoute quelques commentaires personnels et développements spécifiques.
L’intelligence économique à la Chinoise : une très longue tradition qui ne dit pas son nom
Sun Tzu, l’arbre qui cache la forêt
Dans les trois premiers paragraphes : « L’Art de la guerre, bible du guerrier économique », « Ruser avant de guerroyer », « La stratégie au cœur de la société́ » Ali Laïdi revient sur l’histoire de la Chine, et sur les enseignements de Sun Tzu. Le guerrier économique chinois est en gestation.
Premiers pas de l’intelligence économique chinoise
– « À l’école européenne ».
– « Miao Qihao, poisson-pilote de l’IE chinoise ».
– « Le pari perdu des chambres de commerce françaises ». Ali Laïdi explique que dans les années 2000 les Français vont aider les Chinois à intégrer la dynamique d’intelligence économique. Et je me rappelle bien cette période durant laquelle il n’était pas rare de dire dans les colloques ou conférences en intelligence économique qu’il y avait des Chinois venus pour nous écouter. Ce qui ne manquait pas de provoquer une certaine fierté dans la communauté de l’intelligence économique française.
Une prise de conscience occidentale tardive
Où l’on découvre un peu tardivement le guerrier économique chinois.
– « S’emparer du marché chinois la fleur au fusil ? » Nos élites pensaient sérieusement que la Chine allait se cantonner dans un rôle d’exécutant docile. Quelle erreur d’analyse. Alain Juillet, interviewé par l’auteur, explique que lorsqu’il a pris ses fonctions en 2003, il n’y avait rien sur le dispositif d’intelligence économique chinois. Pire, on donne accès aux Chinois au septième programme-cadre de recherche et développement … « l’Europe offre sur un plateau à la Chine toutes ses avancées scientifiques et technologiques ». C’est la période de la « mondialisation heureuse ».
– « Une lanceuse d’alerte méprisée ! » Ali rappelle le travail méconnu de Marie-Pierre Van Hoecke qui avait prévenu avant tout le monde des capacités de collecte de l’Empire du Milieu.
– « Pékin sur le front de la réinnovation. » On tombe souvent de l’armoire en lisant le livre d’Ali Laïdi. Ainsi il rappelle « qu’en 2020, la France a version 140 millions d’euros à la Chine au titre de l’aide publique au développement » ! On croit rêver.
– Dans le paragraphe « Un art de l’extorsion consommé » : Ali rappelle la duplicité de la Chine. Un bel exemple est l’appel d’offres pour équiper le pays d’un train à grande vitesse. Appel d’offres qui n’était qu’un leurre pour s’emparer des technologies occidentales. Stratagème qu’il vont rejouer avec des variantes dans l’aéronautique civile, le nucléaire civil, et la construction d’un laboratoire de recherche sur les virus dangereux. Ali Laïdi explique que les gouvernants occidentaux sont dans un « déni de réalité : on refuse de voir la face sombre de la Chine ». Le général Daniel Schaeffer a bien tenté de tirer la sonnette d’alarme. Mais les grandes entreprises n’entendaient rien. Danone, par exemple, y perdra beaucoup.
– « Apprendre avant de conquérir ou les premiers pas de la Chine dans le secteur pétrolier. »
– « La confrontation sino-australienne : un cas d’école. »
Préserver la civilisation chinoise ou dominer le monde ?
Une puissance économique contrariée au long des siècles.
– Ali Laïdi revient sur l’histoire récente de la Chine dans les six paragraphes suivants : « L’empire n’aime pas le commerce », « Une tentative d’occidentaliser la tradition », « Révolution républicaine : une tentative ratée », « La victoire d’un mao incompétent en économie », « Deng Xiaoping, un stratège économique », « 1989 : un échec politique qui ne brise pas l’élan économique. »
– Dans le paragraphe « Le nationalisme des années 1990 » l’auteur rappelle que suite à la guerre du Golfe, et face à la maitrise de l’information américaine, deux colonels de l’Armée populaire de libération écrivent « La guerre hors limite » (1999). Il faut comprendre ce titre comme une guerre qui dépasse les limites du champ de bataille. Qiao Liang et Wang Xiangsui concluent que « les prochaines guerres ne seront pas forcément létales, mais économique, financière, sociale, écologique, culturelle ».
– Ali Laïdi explique que pour beaucoup « ni totalement communiste ni totalement libérale, la Chine contemporaine est une énigme ». C’est d’autant plus étrange que Pékin n’avance pas masquée. Elle n’a jamais caché sa volonté de puissance !
Xi Jinping, un chef de guerre économique
Ali résume en une formule lapidaire la vision des précédents maitres de la Chine : Pour Mao « vivons bien, vivons entre nous ». Pour Deng « Soyons humbles ». Jiang Zemin et Hu Jintao « Soyons un pays émergent et pacifique ». Xi Jinping lui veut « réaliser le rêve chinois, celui d’un empire qui retrouve toute sa place au centre du monde ». Xi Jinping incarne parfaitement le guerrier économique chinois.
– Fils de prince rouge, il a souffert du maoïsme, mais continue à célébrer Mao.
– « Un retour du culte de la personnalité́. »
– « Un communiste pur et dur à l’apparence libre-échangiste… » Dans l’esprit de Xi Jinping « l’économie est avant tout une affaire de sécurité nationale ».
– … mais fervent défenseur du made in China.
Les nouvelles routes de la soie, autoroutes du commerce mondial
L’idée de relancer les routes de la soie n’est pas neuve et n’est pas chinoise. C’est l’ONU qui en 1959 avait déjà envisagé la construction d’infrastructures ferroviaires transasiatiques.
Dans ce chapitre, l’auteur aborde successivement les paragraphes suivants : « Un cheval de Troie chinois ? », « Des milliards de dollars pour tisser la toile chinoise », « Des prêts, des aides et des subventions qui fâchent Bruxelles », « 16+1 : un forum pour diviser le Vieux Continent ? », « L’Europe dit stop » ; « La main tendue de Pékin à l’Afrique », et « L’Afrique prise au piège de la dette ? ».
« La Chine ou le réveil du guerrier économique » d’Ali Laïdi est édité chez Acte Sud.
Voir aussi la formation sur la veille géopolitique.
La suite demain … avec une présentation des armes économiques chinoises.
Jérôme Bondu