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Influence

À lire : KGB DGSE – deux espions face à face

By 26 mai 2023janvier 8th, 2024No Comments
KGB DGSE

J’ai lu « KGB DGSE – deux espions face à face » de Serguei Jirnov et François Waroux. Le livre sous la forme d’interview de Serguei Jirnov et François Waroux par Martin Leprince est très facile à lire. La préface et la postface d’Éric Denécé apportent aussi des éclairages très intéressants. Francis Waroux a opéré en Éthiopie et au Pakistan, et est devenu ensuite maire d’une petite commune. Il a publié un premier livre sur son passé : « James Bond n’existe pas ». Sergueï Jirnov a opéré en France, avant fuir la Russie des débuts de Poutine et de retourner dans l’Hexagone comme réfugié.

KGB DGSE

On peut lire en 4e de couverture de cet ouvrage sur les services KGB DGSE :
« Sergueï Jirnov est un ancien espion du KGB, François Waroux a été officier traitant à la DGSE. Le premier a opéré au sein du service des « illégaux » pour l’URSS, notamment pour infiltrer l’ENA, le second a agi sous couverture à travers le monde au nom de la France. Après avoir longtemps oeuvré dans l’ombre pour deux camps opposés, ces deux officiers supérieurs ouvrent dans ce livre un dialogue sans tabou sur leur carrière au sein des services secrets. Pour la première fois, un espion russe et un officier français confrontent leurs expériences, leurs analyses et les méthodes utilisées par leurs pays respectifs.
Ils révèlent les secrets du travail sous couverture, les techniques de surveillance, les manipulations, mais aussi les angoisses quotidiennes et les cas de conscience qu’impliquent de telles professions. Loin des clichés des films hollywoodiens, ce livre lève le voile sur la réalité des services de renseignement, brisant un à un les mythes en la matière pour leur substituer une face cachée bien plus complexe. »

Casser une image

Après la lecture de ce livre, je pense que vous aurez comme moi une vision bien différente du monde du renseignement. Allez, avouons, on a tous en tête les images de James Bond, flingue, belles voitures, excès de vitesse et boissons alcoolisées. Et bien les témoignages de Serguei Jirnov et François Waroux cassent tout cela en morceaux.

Ils évoquent une partie de leur travail, routinier, terriblement administratif (surtout pour le KGB) et frustrant. Jirnov taquine Warroux quand ce dernier avoue avoir fait un excès de vitesse aux États-Unis et avoir reçu une contravention. Jirnov rappelle qu’une des règles fondamentales est de ne JAMAIS faite d’excès de vitesse… Mais on se fait remarquer mieux c’est. Et voilà pour un mythe qui tombe.

Actions d’influence et de manipulation psychologique

Plus sérieusement, ils évoquent les actions d’influence et de manipulation psychologique :
Jirnov : « Non seulement le KGB infiltrait les mouvances de tous bords, mais il était également susceptible de créer des cellules terroristes dans le camp adverse. Cela a été le cas avec la constitution de groupuscules néonazis pour nuire au gouvernement d’Allemagne de l’Ouest ou de cellules islamistes dans des pays musulmans modérés. Le KGB ne cherchait pas seulement à influencer, il voulait aussi créer le désordre dans tous les pays où il était présent ». p32
Il évoque le fait de recruter des agents sous de faux drapeaux : « Pour convaincre un Français, nous prétendions être membres d’un service allemand ou anglais en faisant jouer le sentiment antiaméricain ». p86

Il évoque aussi les « grands naïfs bourgeois » qui ont participé à la propagande soviétique : « En France, nos plus célèbres agents d’influence de l’époque ont été François Mitterrand, les gaullistes qui voulait bâtir l’Europe de « l’Atlantique à l’Oural » les anciens résistants, des pilotes de l’escadrille Normandie-Niémen, des membres de l’association France URSS et des artistes comme Jean-Paul Sartre, André Gide, Jean Ferrat, Mireille Mathieu, Marina Vlady ou le couple Montand-Signoret ».

Des assassinats et opérations ratées

Il parle des assassinats et opérations ratées : « Chez nous, l’une des plus célèbres opérations ratées est la tentative d’assassinat de Jean-Paul II. L’individu qui a tiré sur le pape était d’origine turque, mais il avait été envoyé par les services bulgares sur directive du KGB » p109

Ça tacle aussi pas mal, même s’il y a une réelle complicité entre les deux hommes : « Le contre-espionnage français n’a jamais démasqué aucun illégal du KGB et sa seule éclatante réussite, en 1981-1984, n’était pas le fruit de son travail, mais d’une trahison de Vetrov ».

Ils évoquent les relations entre services, avec des révélations parfois étonnantes. Jirnov évoque l’importance du respect entre les personnes, du fait qu’il ne fallait pas humilier un adversaire : « Cela signifiait que, si l’on s’amusait à les humilier, la riposte viendrait obligatoirement. Il était même encouragé de faciliter la vie des hommes du contre-espionnage, notamment en ne cherchant pas à les semer lors des filatures ». p141

Sources ouvertes pour les KGB DGSE

Ils débattent longuement de l’intérêt des sources ouvertes :
Waroux : « Ce renseignement facilement accessible pouvait avoir une grande portée, surtout celui diffusé dans les revues spécialisées. Je me souviens que le magazine français Science & Vie avait publié il y a quelques années une photo montrant une vue éclatée du porte-avions Charles-de-Gaulle. Un tel cliché pouvez sans difficulté être traduit en enseignement technologique par des spécialistes, qui pouvaient, par exemple, facilement déterminer la localisation des réacteurs. »
Jirnov a une vision plutôt négative de la profession, tandis que Waroux la juge comme indispensable. Il évoque aussi un monde en guerre économique, et souligne l’intérêt de l’intelligence économique.
Eric Denécé fait une très intéressante postface en analysant les témoignages des deux espions. Il rectifie au passage quelques éléments, notamment l’assassinat de Mehdi Ben Barka qui est souvent imputé au SDECE, mais qui est en réalité une opération marocaine réalisée avec une assistance du Mossad. p197

Espionnage horizontal

Il évoque aussi la réplique que Romain Gary (alors diplomate à l’ambassade de France) a faite à deux hommes du KDS (les services bulgares) : Romain Gary avait eu une aventure avec une jeune femme envoyée par la KDS. Des photos compromettantes ont été prises, et ont été présentées à Romain Gary qui s’en est moqué ouvertement : « Écoutez, c’est épouvantable. Je suis confus. (…) Tout ce que je vous demande c’est de me donner encore une chance… Convoquez cette jeune personne ou de préférence une autre un peu plus stimulante … Tenez, la fille de votre chef, le ministre de l’Intérieur, j’ai toujours eu envie de me la taper ».

On ne s’ennuie pas une seconde. À lire pour tous ceux qui s’intéressent aux services de renseignement, et croient encore aux belles voitures et excès de vitesse…

On pourra voir des interviews des deux auteurs sur FranceInfo  ou FranceTV.

Ou bien lire le compte rendu sur Cairn.

J’ai déjà évoqué le KGB et la DGSE dans des précédents billets :

KGB DGSE est édité aux Édition Mareuil.

Jérôme Bondu

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