
J’ai lu « France-Chine les liaisons dangereuses » d’Antoine Izambard.
Avertissement : J’ai essayé de faire une synthèse du livre la plus fidèle possible. Cette note de lecture ne reflète pas mes idées, et encore moins celles des structures avec lesquelles je travaille, mais les idées des auteurs. Les phrases entre guillemets sont issues du livre.
Le livre est intéressant. Il met en garde contre l’agressivité de la Chine dans les secteurs économiques, diplomatiques et militaires. Il est proche dans le contenu du dernier livre d’Ali Laïdi :
- 1/3 La Chine ou le réveil du guerrier économique chinois
- 2/3 Armes économiques chinoises
- 3/3 Hégémonie économique chinoise
Diplômé du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ), j’ai, après des expériences à L’Express, Le Figaro et Sud-Ouest, Antoine Izambard rejoint la rédaction de Challenges en 2014. Il y couvre l’actualité internationale, avec un fort tropisme Chine et Moyen-Orient, mais aussi la défense, la cybersécurité ainsi que le marché du pétrole.
1 Huawei, un géant sous étroite surveillance
Le livre revient d’abord sur la passe d’armes entre les États-Unis de Trump et Huawei. Les premiers accusant le second de permettre aux autorités de Pékin d’accéder aux données transitant via leurs réseaux. L’accusation peut faire sourire, car cela revenait pour Washington d’accuser Pékin de ce qu’ils faisaient eux-mêmes. Passons.
Pour revenir à l’aspect technique « nous avons constaté que les routeurs de cœur de réseau Huawei étaient dotés d’utilisateurs à privilèges, lesquels peuvent à distance intervenir sur le système ».
Dans cette partie, l’auteur a interviewé Alain Juillet et Claude Revel. On retrouvera les témoignages d’autres nombreux professionnels de l’intelligence économique.
« Ces inquiétudes s’appuient aussi sur une loi chinoise de 2017 qui exige des entreprises du pays leur coopération et collaboration dans le cadre d’un effort national pour le renseignement ». L’IRSEM avait fait un rapport de 600 pages sur le sujet.
L’auteur pointe la naïveté ou complaisance de nombreux Français. On lit dans cette partie les noms de Mérouane Debbah, professeur à Centrale-Supelec, Cédric Villani, Borloo ou Douste-Blazy…
Antoine Izambard revient sur les défaites françaises. Il traite notamment de la déroute d’Alcatel liée aux erreurs stratégiques de Serge Tchuruk qui rêvait d’une entreprise sans usine. L’auteur pointe aussi l’espionnage chinois et le manque de courage de l’entreprise française qui, pour ne pas perdre sa présence sur le marché chinois, a préféré fermer les yeux. Bruxelles n’a pas fait mieux.
La force de frappe des entreprises chinoises vient aussi du soutien inconditionnel et illimité des banques publiques chinoises.
Une phrase résume le problème. « À cause du libéralisme bruxellois et de décisions court-termistes de certains équipementiers qui, pour accéder au marché chinois, ont accepté le transfert technologique demandé par Pékin, les Européens qui étaient à la pointe du secteur des télécoms dans les années 1990-2000 ont tout perdu. Ils sont devenus les vassaux, soit de Washington (…) soit de Pékin ».
2 Hacking à tous les étages
Airbus, Safran, CEA, Bercy … tout ce qui peut avoir de la valeur est attaqué par la Chine.
L’auteur explique la complexité pour des entreprises comme Airbus de gérer la relation avec l’Empire du Milieu, en même temps marché et en même temps concurrent.
Ainsi ce témoignage fort éloquent d’un cadre d’une grande entreprise française : « La Chine est pour nous, à la fois un eldorado de court terme, et une menace de long terme, c’est une liaison totalement schizophrène dans laquelle on alterne entre le statut de partenaire et d’ennemi ».
3 La France, nid d’espions chinois
Antoine Izambard met en avant dans ce chapitre la différence entre les services de renseignement chinois (200 000 personnes) et français (6000 pour la DGSE et 4000 pour la DGSI). Et prédit que rapidement, le nom GUOANBU sera aussi connu que KGB. L’espionnage constitue un pilier du pays, au même titre que l’armée rouge ou le parti unique.
L’auteur rappelle le rapport de l’IRSEM sur l’état de la menace chinoise, et que Linkedin est un outil de choix pour approcher les cibles. J’en ai parlé à quelques reprises (voire l’article « Multiplication des demandes de connexion de Chinoises sur LinkedIn »
Il relate aussi la mésaventure de Valeo avec l’étudiante chinoise Li Li Whuang. Mais faut-il fermer le robinet des étudiants chinois en France ? Non, explique un responsable d’unité qui rappelle qu’un doctorant chinois représente une manne de 50 000 euros à l’organisme qui le reçoit !
4 P4, l’usine à gaz Franco-Chinoise
Dans cette partie, Antoine Izambart revient sur la fourniture du laboratoire P4 à la Chine, et les déceptions face à un partenariat qui a tourné court.
5 Les prochinois
Antoine Izambard liste les personnalités françaises proches de la Chine. On y retrouve des noms connus comme Raffarin. J’y ai vu aussi vu le nom d’une vieille connaissance, Harold Parisot, qui a fondé avec brio le Chinese business Club, et avec qui j’avais eu le plaisir de faire des conférences sur les réseaux il y a fort longtemps. https://www.inter-ligere.fr/27booster-vos-affaires-grace-aux-reseaux/
6 L’État schizophrène
L’auteur prend l’exemple de la privatisation ratée de l’aéroport de Toulouse pour pointer la schizophrénie de l’Etat français. Là encore on retrouve des noms connus, comme ceux d’Olivier Marleix ou de Christian Harbulot, qui illustrent le sujet.
7 OPA sur le foot français
L’appétit de la Chine ne semble pas avoir de borne. Xi est passionné de football. Et le rachat de clubs a été intégré à la stratégie de séduction chinoise (soft power).
8 La lessiveuse franco-chinoise
L’auteur explique dans cette partie qu’il y a eu une multiplication des cas de blanchiment de l’argent de la drogue par des grossistes chinois. De même, on détecte de plus en plus de Chinois sur des arnaques financières.
9 Main basse sur le «pré carré» africain
Dans cette dernière partie, on lit les étapes de la transformation de la françafrique en chinafrique !
Épilogue
Antoine enfonce le clou. Au travers de la description des desseins chinois sur la France, il dresse un bilan plus global. « Nous sommes aujourd’hui une puissance de seconde zone dont la seule liberté consiste à choisir de quel pays nous serons dépendants. Nous payons des années et des années de laisser-faire, d’absence de stratégie industrielle et politique au niveau français et européen ». En fait, « la Chine révèle nos insuffisances ». « La France, comme l’Europe, doit rapidement trouver sa voie sous peine d’être définitivement cantonnée au rôle spectateur dans le match que se livrent les deux premières puissances mondiales ».
« France-Chine les liaisons dangereuses », d’Antoine Izambard, est édité chez Stock en 2019.
Pour aller plus loin sur l’histoire de la Chine
À lire « Il était une fois la Chine – 4500 ans d’histoire » de José Frèches
Jérôme Bondu