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Intelligence artificielle

CR: Faraday, une Intelligence Artificielle française

By 15 janvier 2024janvier 24th, 2024No Comments
william elong_intelligence artificielle française

Quelles sont les alternatives souveraines en matière d’Intelligence Artificielle française face aux géants américains ? C’était le thème de la conférence du Club Data de l’AEGE le 9 janvier 2024, avec comme conférencier William Elong. Il était interviewé par Nicolas Chevalier. J’ai eu le plaisir d’y assister. Ce compte rendu est informel et n’engage que moi. Je reprends les éléments évoqués par l’orateur.

Intelligence Artificielle française

Quel est le parcours de William Elong ?

William Elong est CEO de Faraday Lab. Il a été bachelier à 15 ans au Cameroun, et plus jeune diplômé de l’EGE. Il a créé son entreprise au Cameroun, après 4 mois chez Oracle, durant lesquels il dit s’être ennuyé. La société Will & Brothers, est spécialisée dans le conseil en Intelligence Economique et en innovation technologique.
Dans le cadre de Will & Brothers, il a eu l’occasion de travailler sur un projet spécifique sur les drones. Il crée une nouvelle société Algo Drones. Cela lui a permis de prendre conscience de l’importance de l’analyse d’image par l’intelligence artificielle. En effet, l’analyse des vidéos des drones est un travail long et fastidieux : 300 000 heures de vidéo récoltées prendraient 37 ans à être visionnées par une personne. L’idée a rapidement émergé de confier cela à des intelligences artificielles.
De retour en France, il pressent le développement de ChatGPT. Il s’est autoformé, a testé le domaine et a créé Faraday en 2023. William Elong est classé par Forbes parmi les jeunes leaders africains les plus influents.

Que fait la société Faraday ?

  • Faraday a créé son propre modèle intelligence artificielle (Aria) qui est dans le top des modèles en Europe. Le modèle a été volontairement entrainé sur les échanges entre parlementaires français. William insiste sur le fait que ce n’est pas la quantité de données qui est importante, mais la qualité.
  • Et justement les échanges entre parlementaires français sont une source de grande qualité, de par la tenue de la langue, et la subtilité des messages.
  • Faraday a un hébergement en France. Mais, en revanche, William Elong explique que la puissance de calcul est américaine et confiée à Amazon. OVH avait été contacté sans succès.

William ne l’a pas souligné durant la conférence, mais on sait qu’une cage de Faraday protège contre les ondes électromagnétiques. Il est évident que c’est l’origine du nom de la société.

Quels sont les leviers de compétitivité de Faraday ?

William Elong rappelle ce qui a fait le succès de Faraday.

  • D’abord la connaissance des besoins des clients. Actuellement, tous les grands groupes du CAC 40 veulent une solution d’intelligence artificielle interne. Faraday répond à ce besoin.
  • Ensuite, la vente de test (POC) à moins de 100 000 euros. Ce qui permet d’être en dessous du seuil obligeant à mener appel d’offre.
  • William a cherché dès le début à minimiser les couts et à fonctionner de manière frugale.
  • Pour la commercialisation, William utilise le courant de la francophonie et vise en premier lieu les pays francophones.
  • Plus généralement, d’un point de vue culturel, William cherche à prendre le meilleur de chaque monde. Il résume les choses de la manière suivante : Faire du marketing comme les Américains. Respecter la régulation européenne. Et toujours rester pragmatique comme les Africains. Cela rappelle le témoignage d’Abdelmaek Alaoui au Club IES en 2009. En tant que Marocain il cherche le meilleur des différentes cultures « observer comme les Chinois, analyser comme les Français, et agir comme les Américains ».

Quelles sont les spécificités techniques de Faraday ?

Le point marquant est que la solution d’intelligence artificielle Faraday peut se passer d’une connexion internet. Il y a une possibilité d’utilisation « hors ligne ». Cela rassure les responsables cybersécurité qui craignent que leurs informations soient utilisées comme données d’entrainement par l’IA. Tout le monde a en tête le précédent de Samsung.
Second point, William souligne que l’open source est au cœur de la solution d’IA. Les équipes techniques de Faraday récupèrent des briques déjà développées et éprouvées. Les bénéfices sont nombreux : cela permet de bénéficier de la puissance de travail d’une large communauté. Cela permet aussi une très forte agilité. Et enfin, cela permet d’ouvrir le code (audit du code) ce qui est très sécurisant pour le client. Concernant la protection du savoir-faire, William rappelle qu’il y a des licences Open Source qui peuvent être protégées.

Intelligence artificielle en entreprise

Comment l’IA change la gestion des informations ?

William souligne que les bénéfices interviennent sur tout le spectre de gestion des informations :

  • Apprendre.
  • Retrouver rapidement des informations.
  • Rédiger, coder, produire du texte (par exemple des réponses à des mails, à des questions d’internautes …).

Quels sont les risques de l’utilisation des IA dans les organisations ?

Les risques sont différents selon les types d’IA : Analyse des images, texte, son… Mais d’une manière générale, William distingue les risques suivants :

  • Le risque majeur est le biais de sélection : à titre d’exemple on sait que beaucoup de jeux de données de visages ont été majoritairement entrainés sur des hommes blancs. Voir Aurélie JEAN.
  • Le second risque est le biais de stéréotype. Si on demande une IA de faire une image d’un mariage ce sera certainement un mariage européen.
  • Le troisième risque, qui concerne spécifiquement l’Europe, est de perdre du pouvoir d’influence (soft power). Il faut entrainer des IA sur des valeurs et culture européenne si l’Europe veut continuer à avoir une représentation dans l’univers mental des internautes. L’Europe pourrait constituer une troisième voie et éviter un duopole américano-chinois. D’où l’intérêt de développer une Intelligence Artificielle française.

William souligne de risques complémentaires :

  • Un risque de bulle (ou d’enfermement) algorithmique pour l’utilisateur.
  • Un problème de droit, par exemple lié aux robots tueurs.
  • Un risque de perte de capacité de décision des Humains.
  • Un risque de manipulation de l’IA. D’où l’importance de mettre des barrières. Voici un exemple de manipulation d’une IA : si on demande à une IA comme ChatGPT des sites de pirates informatiques, l’IA refuse. En revanche, si on lui demande les sites à éviter, car il y a des conseils de piratage, l’IA peut répondre par une liste de sites… Dans ce cas, l’IA a été dupée.

Intelligence Artificielle française et européenne

Quels sont les problèmes au développement de l’IA en France ?

Dans le cadre du développement de Faraday, William Elong a pu détecter un certain nombre de problèmes inhérents à la création d’entreprise en France. Il pointe :

  • D’abord, la lenteur de décision en France (et plus largement en Europe).
  • Ensuite, le manque de pragmatisme : la recherche d’un perfectionnisme technique se fait au détriment de la commercialisation.
  • Le manque de culture du risque.
  • Enfin, le manque de financement. William Elong explique « qu’il y a de l’argent, mais il est mal utilisé ». À titre d’exemple, il lui semble que la levée d’argent se fait beaucoup par copinage.

Mais cela ne l’a pas empêché de créer une société d’Intelligence Artificielle française prometteuse.

Que penser de la régulation européenne ?

Les Européens veulent se positionner comme arbitre. Mais sous couvert d’une bonne intention, et de la volonté d’assainir le secteur de l’intelligence artificielle, les Européens font en réalité le jeu des Américains. En effet, la régulation forme une « barrière d’entrée » : une barrière financière, qui impose de débourser entre 100 000 et 200 000 euros pour une mise en conformité. Cela va tuer dans l’œuf les start-ups et favoriser les grosses structures américaines déjà installées et pouvant passer sous les Fourches caudines réglementaires européennes.

Comment construire une troisième voie Européenne ?

  • D’abord, faire du marketing et de l’influence.
  • Ensuite, investir sur le commercial. Le problème de l’IA en Europe n’est pas technique. L’expérience Bloom est à ce titre éclairante : des milliers de très bons techniciens ont été mobilisés, mais la solution n’a pas rencontré son public faute d’un marketing et d’actions commerciales adaptées.
  • Enfin, investir sur les personnes. Il n’y a pas de problème de compétence en Europe. Il y a manque de confiance dans les solutions européennes. D’ailleurs même chez les acteurs publics, il y a une préférence pour des solutions américaines alors qu’il existe des solutions françaises équivalentes. La promotion d’Intelligence Artificielle française est surtout sur le papier, mais peu visible dans les faits.

Autre solution d’Intelligence Artificielle française

Durant la phase de débat, j’ai demandé quelles étaient les différences majeures avec l’entreprise française Mistral, autre solution d’Intelligence Artificielle française. William met en exerce ces différences :
– Mistral réinvente des choses existantes. Faraday fait tout en open source.
– Mistral a un cout opérationnel élevé. Faraday est plus frugal.
– Les solutions Mistral ne peuvent être utilisées qu’en ligne. Faraday peut être utilisé sans internet, hors ligne.

Cette conférence, organisée par le Club Data de l’AEGE était très intéressante.
William Elong est clairement une personnalité à connaitre, et l’on souhaite à son Intelligence Artificielle française une belle croissance !

La prochaine session de la formation Inter-Ligere Intelligence artificielle pour l’intelligence économique aura lieu le 29 janvier en distanciel.

Jérôme Bondu

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