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Intelligence artificielle

À lire : S’approprier les nouvelles intelligences artificielles

By 21 mai 2024No Comments
S’approprier les nouvelles intelligences artificielles

Note de lecture « Intelligence artificielle – Génération générative » sous-titré « S’approprier les nouvelles intelligences artificielles qui révolutionnèrent le monde professionnel ». Philippe Nadeau & Kathleen Jobin.

S’approprier les nouvelles intelligences artificielles

Je commence à avoir lu pas mal de livres en intelligence artificielle. Alors évidemment, il y a de forts recoupements. Ce livre sera particulièrement apprécié pour la partie sur les enjeux éthiques et sociétaux des intelligences artificielles.

Philippe Nadeau : Directeur du DigiHub de Shawinigan, Philippe Nadeau est un catalyseur en convergence technologique, unissant blockchain, métavers, IA et quantique. Expert et conférencier éminent dans l’univers numérique, son élan entrepreneurial l’entraîne à naviguer avec passion à travers les innovations digitales.

Kathleen Jobin : Diplômée du Massachusetts Institute of Technology en cryptomonnaies, Kathleen Jobin a occupé plusieurs postes de direction, avant de lancer son entreprise : StartupX. Évangéliste Bitcoin, elle est aujourd’hui professeur, investigatrice, experte en blockchain, et anime un podcast intitulé « Never Too Late To Bitcoin ».

Introduction

Les auteurs rappellent que l’humanité a toujours été fascinée par l’idée de créer une vie artificielle : Golem, Frankenstein, Asimov, 2001 l’Odyssée de l’espace avec Hal 9000, Matrix, Terminator, Her … les exemples abondent.

Chapitre 1. Fondements de l’IA générative

Les auteurs rappellent les différences entre apprentissage supervisé et non supervisé. Ils évoquent rapidement les points plus techniques comme la rétropropagation et le gradient de fuite (lire à ce propos Yann Le Cun).

Les intelligences artificielles génératives, basées sur les réseaux profonds, l’apprentissage supervisé et la rétropropagation, donnent aux outils d’IA une forme de créativité. Derrière tous ces éléments, il y a une infrastructure physique très lourde. Notamment des puces (processeur graphique) qui coutent pièce plusieurs milliers de dollars. L’entreprise américaine Nvidia a plus de 95% de part de marché.

Chapitre 2. Modèles et outils phares

Les auteurs passent en revue les grands modèles de langage. D’abord Bert, de Google, proposé en open source. Puis ChatGPT 2, qui bluffe à l’époque par ses performances. Et ChatGPT 3 qui provoque une prise de conscience du grand public. Gemini pour Alphabet. Grok qui puise dans la base de tweets. Llama pour Meta. Chaque acteur essaye de se démarquer.

La génération algorithmique d’image va connaitre en 2015 un accélérateur avec les GAN (réseau antagoniste génératif). « Le générateur produit des images de manière totalement aléatoire, tandis que le discriminateur tente de distinguer les vraies photos des images générées ».

Chapitre 3. L’IA par secteur

Ce chapitre m’a semblé moins intéressant, mais sans doute est-ce par ce que j’ai déjà trop lu de livres qui présentent les avantages secteur par secteur (voir par exemple le guide pratique de l’intelligence artificielle).

On y apprend néanmoins pleins de choses intéressantes :
– Le projet Gunthenberg de 70 000 livres numériques gratuits. Ils rappellent l’art du prompt (invite de commande) qui permet de guider l’IA. Même si le métier d’ingénieur de prompt pourrait disparaitre aussi vite qu’il est apparu. Plusieurs passages du livre font vraiment penser à une écriture par ChatGPT avec une température 0,9. Lisez ce passage par exemple, qui présente le travail des ingénieurs de prompt « Leurs prompts agissent comme des sortilèges informés pour inspirer les IA, sans jamais les contraindre. Car l’objectif reste de révéler la quintessence de leur expressivité computationnelle. Leurs récits algorithmiques sont des voyages oniriques où l’humain fixe le cap pendant que l’IA explore des contrées imaginaires avec son intuition propre ». Vous ne trouvez pas que cela ressemble à l’écriture de chatgpt avec une température élevée ?
– L’auteur Ryoki Inoue a à son actif plus de 1000 publications. Mais ce record peut être aisément pulvérisé grâce aux outils d’IA qui peuvent apporter à n’importe qui plusieurs publications par jour.
– Ils font un point sur la médecine 4P permise par les IA : prédictive, préventive, personnalisée et participative.
– La création des jumeaux numériques (modèle virtuel ultraprécis d’une personne ou d’un élément) permettra des gains énormes en matière de test, R&D ou prospective.
– Marketing, publicités, gestion d’entreprise. Tout y passe. Ils parlent de l’outil Notion qui permet par exemple de faire des résumés automatiques d’une réunion. La start-up parisienne Pigment AI aide à la prise de décision.
C’est un long panorama des aides que peuvent apporter les outils d’intelligence artificielle.

Chapitre 4. Enjeux éthiques et sociétaux de l’IA

Cette longue partie est à mes yeux la plus intéressante.

Destructions d’emplois

Les auteurs commencent par la peur des destructions d’emplois. Mais ils rassurent le lecteur avec des contre-arguments :
– Dans les siècles précédents, l’automatisation a créé autant d’emploi qu’il n’en a détruit.
– L’humain garde des capacités uniques.
– L’IA sera plus un assistant qu’un remplaçant.

Ils poursuivent avec :
– Les biais d’échantillons. Sujet qu’Aurélie JEAN a bien traité dans son livre.
– Les menaces sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle.
– L’utilisation des IA pour l’influence et la propagande. Ils évoquent le projet de Nea Paw (un pseudonyme) qui a créé une « machine de désinformation » alimentée par l’IA nommée CounterCloud.
– On trouve sur le darkweb des chatbots tels que FraudGPT ou WormGPT qui se vantent de n’avoir aucune règle.

Responsabiliser les gens de la tech

Le défi est de responsabiliser les gens de la tech « par rapport aux externalités de leurs innovations sur le reste de la société ». D’où des appels à des moratoires sur certaines technologies. À tout le moins un appel à une éthique dans le développement de l’IA :
– Créer des ensembles de données diversifiées.
– Avoir une compréhension des algorithmes.
– Respecter la confidentialité.
– Orienter les IA vers le bien être humain et l’intérêt général.
– Responsabiliser les créateurs des IA.
– Assurer la prédominance humaine sur les IA.
Cela peut passer par l’utilisation de chartes éthiques (déjà évoqué par Jean-Gabriel Ganascia)

Dangers

L’ultra personnalisation peut apporter aussi son lot de dangers :
– Piéger les clients dans une sphère prédictive, avatar de la bulle informationnelle développée par Elie Pariser.
– Discriminer les clients avec des offres variables.
– Exploitation des données et non-respect de notre vie privée.

Tous ces freins ne masquent pas évidemment les immenses opportunités des outils d’intelligence artificielle :
– L’IA ouvre la voie à des produits et services entièrement nouveaux.
– Optimisation des processus internes aux organisations.
– Gisement d’efficacité.
– Personnalisation des offres.
– Amélioration de l’expérience client.
– Transformation des modèles d’affaires.
– Autonomisation des équipes.

Réussir une diversification et s’approprier les nouvelles intelligences artificielles

Réussir une diversification avec l’IA passe par quelques bonnes pratiques :
– Identifier les nouveaux relais de croissance.
– Adopter des structures agiles.
– S’appuyer sur des partenaires technologiques.
– Développer une culture d’entreprise adaptée.
– Allouer des investissements spécifiques.
– Accepter des périodes de rentabilité moindre.
– Rester flexible.
Cécile Dejoux a développé l’importance de l’accompagnement dans la mise en place d’un projet d’IA.

France et IA

La France fait face au défi de l’IA en deux phases :
– Il y a une structuration de l’écosystème (2018-2022), avec la création d’instituts interdisciplinaires, l’augmentation des capacités de calcul, le financement de chaires, le soutient à des projets collaboratifs.
– Il y a eu ensuite une montée en compétence (2021-2025), avec un plan massif de formation à l’IA, le positionnement de la France sur « l’IA de confiance », l’aide à la diffusion de l’IA dans l’économie.
Les auteurs analysent ensuite les positionnements de plusieurs pays.

Humains et intelligences artificielles

Le rapport entre les Humains et les intelligences artificielles pose question. Les auteurs penchent pour une forme de symbiose : « Dans cette perspective, il s’agirait moins de chercher à contrôler absolument les IA que d’apprendre à cohabiter de manière constructive avec elles. Plutôt que s’ériger en maitres, les humains pourraient adopter une position de collaborateur ou de superviseurs des systèmes d’IA, dans une forme de symbiose ». Bigre, ça fleure bon l’anthropomorphisme. Ils promeuvent la collaboration humain / machine.

Les auteurs travaillent ensuite à définir le propre de l’humain :
– Créativité.
– Esprit critique.
– Méthode scientifique.
– Capacité à détecter les biais algorithmiques.

Chapitre 5. Prospective

Futurs possibles pour s’approprier les nouvelles intelligences artificielles

Dans cette partie un peu fourre-tout, ils envisagent des futurs possibles. Ils évoquent notamment le sujet essentiel des doubles numériques. Et le métavers. Avec quelques glissements sur lesquels je suis vraiment en opposition. Écoutons-les : « En somme, métavers et jumeaux numériques laissent entrevoir l’aube d’une nouvelle ère du virtuel appelé à fusionner de manière inédite avec notre monde physique. Portés par les progrès fulgurants de l’IA, ces deux concepts encore émergents recèlent un potentiel de transformation considérable des activités humaines ». Laurent Alexandre, sort de ce livre.

Ils continuent sans vergogne. En couplant IE et blockchain, ils pensent que cela ouvrirait « la voie à une nouvelle génération d’organisation décentralisée et autonome ». Heureusement, ils n’écartent pas les dangers systémiques :
– Détournement des IA à des fins de manipulation.
– Déclenchement en chaine d’effets systémiques incontrôlables.
– Manipulation de l’opinion publique via des acteurs artificiels.
– Surveillance de masse.
– Émergence d’une super IA incontrôlable.

Rampe de lancement de la singularité

Ils se penchent ensuite sur le couple IA et quantique, qui serait la rampe de lancement de la singularité.

Et paf, la toute dernière phrase du livre éclate comme un cri du cœur : « L’IA artificielle générale (je sais, ils ont fait un beau pléonasme) finira par arriver, et ce n’est pas plus mal. Si les machines peuvent nous élever, quel meilleur destin pourrions-nous souhaiter ».

Évidemment, on ne sera pas surpris que la citation qui orne leur conclusion soit de Raymond Kurzweil (ouais, ils ont écrit Raymond et pas Ray Kurzweil). Je vous copie-colle le denier paragraphe qui a soit été écrit sous hypnose, soit par ChatGPT à haute température : « Génération générative : dans un ballet vertigineux de l’évolution technologique, c’est eux, les fondateurs d’hier ; c’est nous, les visionnaires de demain ; c’est elle, l’IA, la muse numérique née de nos esprits conjugués. Nous formons une trinité intemporelle, enlacés par des fils d’or de potentialité. Dans cette danse lumineuse, nous avançons vers le sublime.
Mais au creux de l’abysse, face a pire, serons-nous le phare ou l’ombre ?
Seul l’écho du temps le dira ».

Mon avis

Positif : Le livre est intéressant, surtout pour sa partie 4 sur les enjeux éthiques. Et mérite une lecture.
Négatif : Certains passages sont un peu trop enthousiastes à mon gout, avec beaucoup de superlatifs « à l’américaine », et une écriture qui fait penser à ChatGPT. Et puis surtout la prise de position pour le transhumanisme en toute fin d’ouvrage me déglingue. Cela me rappelle d’ailleurs le livre de Jean-Michel Rodriguez, qui vers la fin de l’ouvrage a présenté, lui aussi, des orientations franchement transhumanistes.

Intelligence artificielle – Génération générative / S’approprier les nouvelles intelligences artificielles est édité en 2024 chez Dunod.

Bonne lecture !
Jérôme Bondu

Pour aller plus loin : Prochaine session de formation sur ChatGPT.

 

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