
J’ai lu « Les croisades vues par les Arabes » de Amin Maalouf. La première édition date de 1983 (j’ai 30 ans de retard :-). J’ai profité de la visite de l’exposition Cléopâtre à l’Institut du Monde Arabe pour acheter l’édition de 2023 avec une nouvelle préface.
Avertissement : Cette note de lecture ne reflète pas mes idées, et encore moins celles des structures avec lesquelles je travaille. Les phrases entre guillemets sont issues du livre.
La lecture du livre d’Amin Maalouf est vraiment très fluide. Et même s’il rentre parfois dans des détails très pointus, j’ai dévoré l’ouvrage de plus de 400 pages en quelques jours. Qu’ai-je retenu des croisades vues par les Arabes ?
Christianisme et islam
D’abord, que les Croisades ne furent pas une opposition du christianisme et de l’islam. Enfin pas complètement. À de multiples moments, les combats ont opposé des chrétiens entre eux, ou des musulmans entre eux. L’exemple le plus marquant est la 4è croisade qui a vu le massacre de Constantinople (chrétienne, faut-il le rappeler) par les croisés !
Sciences grecques et romaines
Ensuite, que l’Occident barbare (depuis la destruction de l’Empire romain d’occident) a bénéficié du contact avec les Arabes, dépositaires des savoirs antiques (grecs et romains). Le niveau scientifique de l’Occident était alors bien bas. Les connaissances en médecine, mathématique, astronomie … étaient au plus bas en Occident. Un des multiples exemples nous est donné par le témoignage d’un médecin arabe, qui, ayant assisté aux pratiques médicales des croisés, en reviendra choqué. Pour soigner une blessure à la jambe, qui aurait pu guérir, le médecin croisé la fit tout simplement couper à la hache ! Deux lectures précédentes m’avaient déjà donné une bonne culture sur le sujet :
– Une histoire de la science arabe.
– Les sept cités du savoir.
Justice franque
La justice franque laisse aussi les Arabes totalement médusés. Amin Maalouf explique « Les juges, les cadis sont des personnages hautement respectés qui, avant de rendre leur sentence, ont l’obligation de suivre une procédure précise, fixée par le Coran : réquisitoire, plaidoirie, témoignage ». Du côté des Francs, on pratique encore l’ordalie, le supplice de l’eau, du feu… Mais ne soyons pas caricatural. L’auteur explique aussi dans l’épilogue : « Dans l’Orient arabe, la procédure des tribunaux est plus rationnelle ; néanmoins, il n’y a aucune limite au pouvoir arbitraire du prince. Le développement des cités marchandes, comme l’évolution des idées, ne pouvait qu’en être retardé ».
Saladin et les croisades
Le personnage de Saladin est présenté de manière très nuancée. D’abord il n’est pas Arabe, mais Kurde. Ensuite il traitera souvent ses adversaires avec beaucoup de clémence. L’auteur rappelle que suite à la prise d’une ville, les prisonniers peuvent se racheter pour ne pas finir esclaves. Saladin accepte des conditions souvent très avantageuses pour les prisonniers francs. Ce qui provoque immanquablement la fureur de ses conseillers et banquiers, qui ne comprennent pas sa largeur d’esprit.
J’ai évoqué le Kurde Saladin. Amin Maalouf va plus loin et explique que les Arabes avaient perdu, bien avant les invasions croisées, le contrôle de leur destinée. « Ses dirigeants étaient pratiquement tous des étrangers. (…) les détenteurs réels du pouvoir, et même les principaux héros de la lutte contre les Franj (…) étaient turcs (…), arméniens (…), kurdes. »
Pour finir ce petit tour d’horizon, il est aussi bon de rappeler que la langue française s’enrichira de nombreux mots arabes. Amin Maalouf en présente quelques-uns, dont le nom du jeu de dés « az-zahr »… dont il est inutile de préciser quel mot français en est issu !
C’est un livre à mettre entre toutes les mains, à commencer par celles de ceux qui, d’un côté comme de l’autre, prônent la dissension.
« Les croisades vues par les Arabes » de Amin Maalouf est publié chez « J’ai lu »
Autres notes de lectures d’ouvrages d’Amin Maalouf :
– Le labyrinthe des égarés.
– Un fauteuil sur la Seine.
Jérôme Bondu


