
J’ai lu « L’entraide, l’autre loi de la jungle » de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle. Je suis rentré à reculons dans le livre. J’avais déjà lu un livre sur la colapsologie, et ce genre de lecture ne laisse pas indemne. Mais ce nouvel opus de Pablo Servigne ne porte pas de message mortifère, bien au contraire. Il puise dans la biologie, l’éthologie pour trouver des pistes de vie. Pablo Servigne et Gauthier Chapelle sont tous les deux agronomes et biologistes de formation.
Avertissement : Cette note de lecture ne reflète pas mes idées, et encore moins celles des structures avec lesquelles je travaille, mais les idées de l’auteur. Les phrases entre guillemets sont issues du livre.
Entraide
La leçon principale du livre est que le monde du vivant, loin d’être une jungle, est un monde d’entraide. Et que cette entraide augmente dans les temps difficiles et les milieux hostiles. Développer nos capacités coopératives est donc gage de progression collective autant qu’individuelle.
Il y a six formes de relations entre êtres vivants : symbiose (ou mutualisme), coexistence, commensalisme, amensalisme, prédation (parasitisme) ou compétition. Or on peut lire dans la préface que « la clé du succès n’est pas dans la lutte pour la vie, mais bien plutôt l’entraide ». Mais cela dépend à quel niveau. Edward O. Wilson résume bien les choses « L’égoïsme supplante l’altruisme au sein des groupes. Les groupes altruistes supplantent les groupes égoïstes ».
Vous pourriez objecter qu’en situation de crise, c’est chacun pour soi. Et bien non rétorquent les auteurs. En cas de catastrophe les comportements de panique sont rarissimes, et l’entraide est bien au rendez-vous.
Guerre contre coopération
J’ai eu la bonne surprise de lire des références à Pierre Conesa et son livre « La fabrication de l’ennemi ». Les auteurs expliquent à l’instar de Pierre Conesa que se fabriquer un ennemi est souvent un outil au service de la cohésion du groupe. Cela peut servir de ciment, voire d’anxiolytique quand il est utile de transférer sur l’ennemi la cause des problèmes que l’on n’arrive pas à résoudre !
Les auteurs font aussi référence à Robin Dunbar qui démontre qu’au-delà d’un groupe de 150 personnes, les liens entre les membres du groupe se distendent, et il faut construire des artefacts culturels et institutionnels. Et plus le groupe est grand plus les institutions doivent être solides, et deviennent aliénantes et froides. Là réside le problème de fond. Comment à l’échelle du monde (avec une déstructuration globale des liens entre les gens) résoudre un problème comme celui de la crise climatique ? Les auteurs tracent des pistes.
Ils jettent un gros pavé dans la mare du système économique actuel. Je cite « De nos jours, les récits dominants parlent de technologie surpuissante, d’ingéniosité humaine sans limites, de compétition apportant prospérité, d’une loi du plus fort qui permet de réussir sa vie, de l’implacable marche en avant linéaire du progrès, ou au contraire d’une apocalypse brutale et violente. Ces mythes sont toxiques ; en particulier, le mythe de la compétition n’est adapté ni à notre vie en société ni à notre planète ». Voila qui donne à réfléchir quand on est dans l’intelligence économique, au centre d’une culture dont les extrêmes sont incarnés par la culture agressive de la guerre économique, et par la culture collaborative de la gestion des connaissances « knowledge management ».
« L’entraide, l’autre loi de la jungle » est un très bon livre, très documenté, plein de ressources et d’idées positives. A lire.
« L’entraide, l’autre loi de la jungle » de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle est publié par LLL Les Liens qui Libèrent.
Jérôme Bondu