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Intelligence Economique

A lire : La fabrication de l’ennemi de Pierre Conesa

By 18 octobre 2019janvier 6th, 2022No Comments
La fabrication de l ennemi

J’ai lu La fabrication de l’ennemi, sous-titré « comment tuer avec sa conscience pour soi » de Pierre Conesa. L’ouvrage date de 2011 mais n’a rien perdu de son intérêt.

Voici la première partie de ma fiche de lecture (lire ici la suite). Ce n’est ni un résumé ni une synthèse, mais simplement un mémo personnel des choses qui m’ont le plus intéressées.
(nb : retrouvez toutes mes fiches avec la requête intitle: »a lire » site:inter-ligere.fr )

Pierre Conesa

Pierre Conesa a été l’un des directeurs de la Délégation des Affaires Stratégiques (DAS) du ministère de la Défense. J’ai eu l’occasion de le rencontrer, notamment lorsque j’étais directeur de l’IFIE. J’adore ses interviews sur ThinkerView. Je les recommande toutes. Diplo-web, qui a chroniqué son livre le présente ainsi : « PIERRE CONESA est un esprit original. C’est-à-dire qu’il pense tout seul, exercice relativement rare, bien qu’il ne soit pas interdit, sinon par le souci de ne pas déplaire au pouvoir, aux appareils, à ce qu’on nomme l’ « esprit du temps » qui est, bien souvent, celui de la tyrannie de l’opinion publique. »

Pierre Conesa développe dans un style parfois ironique, souvent corrosif, l’idée que les États ont toujours par le passé fabriqué leurs ennemis. Non pas qu’il n’existe pas des rivalités « naturelles » (possession de la terre, frontières disputées …), mais pour qu’une guerre puisse se déclarer il faut que l’ennemi soit identifié, visible, compris de la population, et que cela nécessite une « construction ». Cette approche m’a fait penser à Edouard Bernay théoricien de la « fabrique du consentement », et aux travaux de psychosociologie qui montrent que notre univers intellectuel est une pure construction.

Analyses historiques

Pour revenir à la « Fabrication de l’ennemi », l’ouvrage est riche d’analyses et de références historiques. Pierre Conesa n’hésite pas à casser les idées reçues et à mettre les pieds dans le plat. Florilège de quatre petits passages :
– L’auteur cite Arbatov, ancien conseille de Gorbatchev, qui a dit aux Américains peu avant la fin de l’URSS « Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi ».
– « Contrairement à ce que l’on peut lire dans les manuels de relations internationales, la démocratie n’est pas par elle-même porteuse de paix, sinon les colonisations françaises et britanniques n’auraient jamais eu lieu, les Américains ne seraient pas en Irak et les Israéliens ne coloniseraient pas les Territoires occupés ».
– « Les musulmans français, au lieu de se désolidariser des extrémises qui demandent avec des motifs religieux des dérogations à la loi républicaine, jouent continuellement de l’ambigüité et ont même inventé le concept « d’islamophobie » qui devient aussi présent dans le débat publie que l’accusation d’antisémitisme » p278
– « L’inoxydable habitude des Occidentaux – qui ont déclenché deux conflits mondiaux, un génocide sans égal, colonisé la planète et mené des guerres atomiques et chimiques – de donner des leçons à l’univers, mérite qu’on leur rappelle quelques vérités ». p340

Construction de l’ennemi

Dans une première partie il évoque la construction de l’ennemi.

– L’ennemi « rend de multiples services. Il fait fonction notamment d’anxiolytique par sa responsabilité (réelle ou imaginaire) dans nos angoisses collectives ».
– « Les Américains présentèrent la conquête du Texas sur les Mexicains en 1836 comme une libération. Ils y rétablirent immédiatement l’esclavage interdit par la monarchie espagnole depuis longtemps ». p60
– « La justification juridique de la torture … [par] la CIA est simple : la guerre globale contre le terrorisme n’est pas une guerre contre un État, donc les conventions de Genève ne s’appliquent pas aux prisonniers pour lesquels on invente la catégorie juridique nouvelle de « combattants illégaux ». » p64

Il distingue les structures qui choisissent les ennemis :

– Le complexe militaro-industriel, avec en première ligne les think tanks stratégiques. Un des plus puissants est (était ?) la RAND corporation. Il dézingue les « spécialistes de la solution de problèmes ».
– Les services de renseignements « La CIA à elle-seule aurait été à l’origine d’une cinquantaine de coups d’État dans le monde avec un certain succès contribuant ainsi à revitaliser la théorie du complot … ». Il étrille en passant le pseudo-rapport Butler présenté par Tony Blair expliquant que Saddam Hussein avait des missiles longue portée, déployables en 45 minutes. Ce rapport était une copie du rapport fait par un stagiaire …
– Les journalistes en quête de sensationnel ont aussi leur rôle. Ted Turner n’a pas hésité à lancer à Rupert Murdoch « c’est un fauteur de guerre. Il a soutenu et encouragé la guerre en Irak ». Des exemples sont plus anciens. En 1898, William Hearst, à la tête du New York Journal, avait monté en épingle la guerre d’indépendance de Cuba. Il avait dit à ses reporteurs sur place qui ne voyaient aucun signe de révolution « Fournissez les photos, je vous fournirai la guerre ».

La suite de « La fabrication de l’ennemi » bientôt …
Jérôme Bondu

NB :
– Fin de la première partie de ma fiche de lecture (lire ici la suite).

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