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Intelligence Economique

CR: Veille technologique de l’Oréal.

By 1 novembre 2007février 8th, 2023No Comments
Veille technologique de l'Oréal

Réunion de travail du Club IES sur la veille technologique de l’Oréal, organisée le 17 juin 2003. Compte rendu écrit par Jérôme Bondu.

 
« La veille n’est pas un métier de solitaire. Elle implique réseaux humains et réflexion de groupe »
Josiane Plot

Résumé

Madame Plot nous présente une synthèse de son expérience professionnelle dont une large part est consacrée à la veille. Elle s’est notamment attardée sur la création d’un groupe de veilleurs, avec ses réussites et les problèmes rencontrés. La Veille technologique de l’Oréal.
 

Présentation de l’intervenante (en 2003)

Après un premier poste en recherche, puis à l’étude des brevets, elle passera à la direction de la propriété industrielle. Enfin, elle prendra en charge la direction de la veille technologique en 1995 au sein de la Direction de la Recherche, poste qu’elle occupera jusqu’à son départ en retraite fin 2002.
Sa place à la direction de la veille technologique n’a été possible – nous a-t-elle dit – que grâce à sa très bonne connaissance de l’entreprise d’une part, et à son expérience en matière de propriété industrielle et de brevets d’autre part.

Introduction

L’Oréal est un groupe international de très grande taille. Mme Plot nous précise que sa présentation ne concerne que la Direction pour laquelle elle a travaillé, la Direction de la Recherche. En outre, ses propos n’engagent qu’elle-même et non l’entreprise.
Mme Plot va nous tracer les grands traits de la veille chez L’Oréal, et en tirer des réflexions autant que des interrogations sur la veille et les veilleurs.
 
Cette réunion avait pour but d’échanger entre membres à partir de la présentation de Mme Plot. Le compte rendu ci-dessous reprend la présentation de notre intervenante ainsi que le débat qui a suivi.

1/ La place des Hommes dans le système de veille technologique chez L’Oréal

Josiane Plot commence sa présentation par un « focus » sur la place des hommes et des femmes dans la veille.
 
Mme Plot avait autour d’elle une structure Veille décentralisée dont voici les principales caractéristiques :
          Ces collaborateurs ont été choisis parmi des experts de l’entreprise. Ce sont donc des personnes qui ont une grande expérience et expertise.
          Ce groupe de veilleur était international. Outre la France, des antennes se trouvaient aux Etats-Unis et au Japon.
          Ce groupe était pluridisciplinaire et les compétences complémentaires. Ce groupe animé par Mme Plot et par son intermédiaire répondait au vice-président en charge de la recherche. Chacun des veilleurs ayant lui-même un réseau, c’est au total environ 100 personnes qui gravitaient dans et autour de ce groupe de veille.
          L’organisation du groupe se calquait sur l’organisation de L’Oréal. Et cela a permis son « intégration » dans l’entreprise. La culture orale de L’Oréal est très forte, et il en allait de même au sein du groupe de veilleur.
          Les liens qui unissaient les membres de ce groupe étaient très souples. Il n’y avait pas de formalisme ni de procédure ni de rapport hiérarchique. C’était un groupe qui s’est formé par connivence.
          Ce n’était pas une veille abstraite. C’était une veille qui répondait au besoin fondamental de la direction de la recherche d’innover sans cesse.
          Il n’y avait pas de sujet de veille imposé. C’est le veilleur qui choisissait lui-même le sujet qu’il creusait ou la  » mine  » qu’il exploitait.
          L’observation des produits concurrents avait une place importante.
 

2/ Les succès de ce groupe de veille

Ce groupe de veille a eu plusieurs réussites, dont Mme Plot nous a relaté deux exemples.
 

Rôle de la veille brevet

Un des premiers sujets d’étude de ce groupe de veilleur a porté sur l’étude des brevets d’un concurrent. Ce travail a permis la détection d’un mouvement stratégique de ce concurrent.
L’analyse des brevets s’est fait au sein du groupe de veille, dont les caractéristiques ont été énoncées plus haut (interdisciplinarité, connivence, ?).
Mme Plot rajoute que ce travail n’a été possible que grâce à une base brevet  » nettoyée  » et une analyse « bibliométrique ».
 
C’est la conjonction de ces deux éléments humain et informatique qui a permis d’obtenir une analyse fine des brevets et donc une détection de la stratégie de ce concurrent.
 

Une communication adaptée à l’utilisateur

Seconde réussite de ce groupe de veille, l’adaptation des supports de veille.  » On ne construit pas le même produit de veille selon que l’on s’adresse à un vice-président, à un cadre intermédiaire, ou à un collaborateur  » nous dit-elle.
 
Le groupe de veille éditait une publication, d’abord sur support pa
pier, puis sur support électronique. Le groupe avait intégré un volant d’experts qui pouvaient donner très vite leurs avis sur tel ou tel sujet. Les clients internes (et notamment les membres de la direction) n’avaient donc pas à faire eux même le recoupement et la validation. Ce processus (de validation) qui parait classique et normal n’a pas été de soi, précise Mme Plot. Au départ, la publication ne reprenait que des éléments issus du groupe de veille. La mobilisation d’autres experts n’a pas été tout de suite possible. C’est suite à une demande ferme de la vice-présidence que la mobilisation des experts a été possible. Le vice-président a contribué par ses critiques (parfois sévères) à améliorer la qualité de la production du groupe. Le travail de veille s’est amélioré de façon progressive.
 
Les dossiers concurrence étaient pluridisciplinaires (à l’image des membres du groupe).  » On ne peut pas monter un dossier de veille sur la stratégie de concurrents uniquement sur la veille technologique  » assure-t-elle. Les concurrents ou produits étaient analysés sous de multiples angles (marketing, R&D, commercialisation? ).
 
Les documents étaient le plus possible adaptés à l’individu.
 
 

3/ Les problèmes rencontrés avec la veille technologique de l’Oréal

 
Ces succès ne doivent pas cacher certaines difficultés inhérentes aux structures de veille.
 
Le métier de veilleur est méconnu et peu reconnu. A titre d’exemple, il y a bien souvent une confusion des genres et des termes (documentation, veille et espionnage).
 
Ce n’est pas un métier de tout repos. Le veilleur est face à des exigences paradoxales :
          Il doit travailler vite et en même temps faire un travail précis et élaboré.
          Au niveau psychologique, il doit être en même temps homme de dossier et homme de communication.
          Il a souvent un rôle déverrouillant : travailler horizontalement dans des structures bien souvent verticales. Le veilleur est souvent partagé entre une veille locale (pour son service ou sa direction) et une veille corporate (pour l’ensemble de la société).
          Il doit être novateur car seule l’innovation éveille l’intérêt.
          Il n’est pas rare qu’un veilleur travaille tout ou partie pour une entité, et soi jugé par une autre. A titre d’exemple, Mme Plot n’avait pas d’autorité hiérarchique sur les membres du groupe avec qui pourtant elle travaillait régulièrement.
 
Le profil de veilleur est un profil très particulier que la conférencière a elle-même qualifié de  » mouton à cinq pattes  » (voir ci-dessous : le sujet a été ré-évoqué au cours des débats) .
 
Ayant pris récemment sa retraite, Mme Plot est sensibilisée aux problèmes de  » succession « . Et notre intervenante de s’interroger sur les meilleures manières d’assurer une perpétuation de la veille sachant que cela repose beaucoup sur l’humain. Chaque solution a ses avantages et ses inconvénients. Prendre quelqu’un du groupe ou de l’extérieur ? Prendre quelqu’un qui doit faire ses preuves, ou un  » champion  » qui n’a plus rien à craindre pour sa situation ?
 

4/ Questions de la salle

Je synthétise ici les réponses de Josiane Plot aux principales questions posées lors du débat.
 

Veille et emploi

Mme Plot finissant sa présentation sur les problèmes de la veille, le début du débat a continué dans le même registre, en soulignant les problèmes d’embauche des personnes qui ont voulu faire de la veille une spécialisation. Il n’y aura pas d’embauches significatives dans ce domaine tant qu’il n’y aura pas de preuve de retour sur investissement, lance un des membres présents.
Ce qui explique en partie la frilosité des PME à embaucher des veilleurs. Un membre du Club IES appartenant à Novartis témoigne qu’il y a deux postes pour l’entité française qui comprend 2000 personnes. Un ratio plus favorable nous est donné par un collaborateur de GSE, société d’ingénierie de 250 personnes qui a récemment créé un poste de veille.
 
Mais la veille peut aussi être porteuse en terme de carrière. Mme Plot nous relate la trajectoire d’un jeune français parfaitement bilingue japonais, qui a commencé comme correspondant au Japon pour le compte du groupe veille, et qui grâce à ses succès en tant que veilleur a su rapidement gravir les échelons
 

Rôle des outils

Le débat en vient au rôle des outils de veille.
Mme Plot a clairement souligné la prépondérance du facteur humain dans les activités de veille. Néanmoins sa position est nuancée car dans le cas de l’étude des brevets, l’outil de « bibliométrie » a été indispensable.
Récemment, elle a testé trois outils  » assez lourds  » avec des étudiants du Mastère en Intelligence Scientifique Technique et Economique de l’ESIEE. Les résultats globaux n’ont pas été à la hauteur des espérances, bien que quelques résultats aient clairement interpellé Mme Plot. Le retour sur investissement n’était pas évident de sorte qu’il a été décidé ne pas investir dans l’un de ces outils. Le coût d’achat, la durée de mise en route, mais aussi et surtout la réticence des experts l’y ont fait renoncer. Ce qui lui fait dire que la véritable bataille des éditeurs devrait se situer non pas au niveau des résultats des solutions, mais au niveau de la conduite du changement.
 

Homme pivot

L’Homme est le pivot du système de veille, avec les forces et les faiblesses que cela implique.
Nous nous sommes livrés à l’exercice de rechercher les qualités d’un bon veilleur. Il en ressort une énumération de qualités très difficiles à réunir en une seule personne : psychologie, communication, méthodolog
ie, enthousiasme, motivation, ouverture et curiosité, large culture scientifique, esprit d’analyse et de synthèse.
Il y a consensus pour dire que le veilleur doit garder une grande liberté d’expression.
 

Externalisation

Il est clair qu’externaliser une étude de veille, c’est montrer ses centres d’intérêt. Par delà ce constat, Mme Plot intervient sur une expérience d’externalisation avec une société américaine (tandis que la même étude était menée en interne au sein de L’Oréal).
Les résultats ont montré que la société américaine a été très forte pour dresser les organigrammes des concurrents. Les nombreux contacts notamment avec les Universités leur permettent de faire des recherches directes (en téléphonant directement aux collaborateurs de l’entreprise visée). Par contre, ils ont été décevants dans l’analyse des brevets puisqu’ils n’ont analysé que les brevets américains ignorant les autres d’origine différente.
 

Insertion de la veille dans l’organisation de l’entreprise

La veille doit se rattacher au plus haut niveau hiérarchique possible.
 

5/ Conclusion

 
En conclusion Mme Plot revient sur ce qui a été un leitmotiv durant cette réunion, l’Homme est le pivot de la veille. Notre intervenante va jusqu’à conseiller d’intégrer des psychologues ou des sociologues dans les cercles ou groupes de veille en entreprise. Le travail au niveau de l’animation et de la motivation des équipes est d’une importance capitale.

Une première mesure dans ce sens serait une implication plus franche de la direction des ressources humaines dans l’activité de veille.

Jérôme Bondu

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